Chroniques

Le joug de la procédure Dublin

Sans voix, ni droits

Mariama* a fui la Mauritanie. Elle y a vécu depuis sa naissance avec sa famille en esclavage chez un Maure blanc. Elle a été violée la première fois à l’âge de 9 ans et contrainte à 13 ans d’épouser un homme plus âgé qui la maltraite et, après trois ans, l’abandonne avec ses deux enfants. Asservie, exploitée dans des tâches ménagères, comme les autres femmes vivant sur les lieux elle est violée presque chaque jour. En 2007, son père est tué lorsqu’il a voulu se révolter. En été 2012, Mariama réussit à s’enfuir mais doit laisser ses deux enfants à sa mère. Ceux-ci subissent le même destin qu’a connu leur mère pendant trente ans. En octobre 2014, Mariama demande l’asile en Suisse. Lors de l’audition, les traumatismes et les souffrances particulières de Mariama ne sont guère abordés. Comme elle est venue en Suisse par l’Italie, sa demande fait l’objet d’une non-entrée en matière.


Yordanos* fuit l’Erythrée en 2016 pour échapper au service militaire. Elle parcourt le Soudan et la Libye dans des conditions de voyage très difficiles. Elle prend le bateau pour l’Italie et, à l’arrivée, elle est forcée de donner ses empreintes digitales. Au vu des mauvaises conditions d’accueil, elle décide de se rendre en Suisse où elle a deux frères et deux sœurs arrivés plus tôt et au bénéfice de permis B et C. Après cinq jours où elle dort dans la rue et trois tentatives de passage de la frontière à Côme, elle rejoint la Suisse et y demande l’asile. Elle reçoit rapidement une décision de renvoi Dublin pour l’Italie et, quelques jours après, elle apprend qu’elle est enceinte. Yordanos ne souhaite pas retourner en Italie alors qu’elle a en Suisse des frères et sœurs, son conjoint ainsi que bientôt un bébé!

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M. a 18 ans quand elle quitte l’Erythrée en novembre 2014 pour échapper au service militaire. Elle passe par l’Ethiopie, le Soudan, la Libye, puis rejoint l’Italie par la mer. Durant son voyage, elle est kidnappée, agressée et violée. En Italie, elle reste une semaine puis se réfugie en Suisse où elle dépose une demande d’asile en juin 2015. Sa requête est rejetée en raison des accords Dublin. En octobre 2015, M. est renvoyée à Milan. A son arrivée à l’aéroport, on prend ses empreintes et sans autre façon on lui signifie de partir, ne lui donnant aucune adresse où se rendre pour être aidée. Elle se retrouve totalement seule et démunie. Quand elle essaie de s’adresser à un centre de réfugiés, on lui refuse l’entrée, lui disant qu’elle n’est pas connue. Se retrouvant à la rue, elle est à nouveau agressée et violée. Après sept mois d’errance, elle revient en Suisse, désespérée et meurtrie par cette vie d’insécurité et de maltraitances qui n’en finit pas. Elle adresse au Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) une demande de reconsidération, qui la rejette.

APPELS D’ELLES EN CAMPAGNE

Le 8 mars prochain, le collectif Appel d’elles ira remettre au Conseil fédéral une requête pour la protection des femmes et des enfants qui demandent l’asile en Suisse. Jusqu’à cette date, vous pouvez signer l’appel sur le site www.appeldelles.ch

Le système actuel fait que les violences subies par les femmes ne sont pas prises en compte par les mécanismes de l’asile. Leurs droits élémentaires sont bafoués parce qu’on refuse de les entendre. Pour faire connaitre les situations de ces femmes, quelques-uns de leurs témoignages seront publiés en page Regards jusqu’au 8 mars. Nous vous invitons à les relayer à travers l’action «carte postale» en ligne sur le site du collectif.

COLLECTIF APPEL D’ELLES,  www.appeldelles.ch avec le soutien du Courrier.

* Prénoms fictifs.

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mardi 23 janvier 2018

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