Édito

Maltraiter, la pire des politiques

Réfugiés

A l’instar d’Amnesty International ou de Médecins sans frontière, de nombreuses ONG dénoncent depuis longtemps les maltraitances généralisées et systématiques que subissent les migrants en Libye. Violences, abus sexuels, tortures, extorsions et traite humaine poussent chaque année des dizaines de milliers d’exilés à prendre, dès qu’ils le peuvent, le risque de traverser la Méditerranée pour quitter cet enfer. Coûte que coûte. «La moitié des personnes qui se rendent en Libye pensent y trouver un emploi, mais finissent par fuir vers l'Europe pour échapper à une insécurité potentiellement mortelle», confirmait en juillet un rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies sur les réfugiés.

C’est donc en connaissance de cause que l’Union européenne a pris en août la décision d’augmenter la sous-traitance libyenne du contrôle de la Méditerranée. Au lieu de soulager l’Italie et la Grèce en répartissant les réfugiés dans l’ensemble du continent, pour les accueillir dignement, Bruxelles condamne des milliers de personnes à continuer de subir de gravissimes atteintes des droits humains.

Les témoignages recueillis dans le cadre du reportage que nous publions confirment les horreurs que les migrants endurent en Libye. Le personnel médical qui leur prodigue les premiers soins en Italie en attestent: «Ce sont de survivants!» Il faudrait donc les traiter comme tels.

Concrètement, les moyens manquent. Des ONG prêtent main forte aux structures publiques locales. Ces efforts restent cependant largement insuffisants face à la gravité de la crise. C’est surtout politiquement que le bât blesse. Alors que les principes humanitaires de bases réclameraient qu’on prête protection et assistance à ceux qui ont réussi à arriver jusque chez nous, la plupart des pays européens tentent de repousser le problème. Condamnant ainsi des personnes traumatisées à survivre dans des conditions extrêmement précaires, les livrant en pâture à l’exploitation et aux réseaux mafieux.

Car ne nous y trompons pas, les politiques visant à rendre «l’asile moins attractif» consistent à maltraiter les réfugiés. «Les conditions d’accueil difficiles réservées aux migrants aggravent, réactivent et parfois provoquent les symptômes de syndrome de stress post-traumatique», relevait en début de semaine une étude réalisée par les universités de Genève et de Neuchâtel.

Cette réalité, même si on la connaît, une majorité ne veut pas la voir. Elle est pourtant là. Il est grand temps de l’entendre. Et surtout de réagir.

Opinions Édito Gustavo Kuhn Réfugiés

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