Il y a Europe et Europe…
Dans les vents mauvais qui soufflent sur l’Europe depuis quelques années, on entend souvent clamer au sein des milieux de la solidarité que l’Europe institutionnelle viole ses propres principes et ses valeurs. Et cela tant dans le champ du développement humain et social, dans celui de l’écologie et du climat que dans celui de l’émigration et de l’asile.
En fait d’Europe, ces protestations ne font allusion qu’à l’Union européenne (UE) dont le siège est à Bruxelles, et qui regroupe encore 28 Etats tant que la Grande-Bretagne n’a pas fini son processus de retrait. Le problème, c’est que cette invocation est un leurre! Pour le dire vite et crûment, l’UE n’a en effet ni principes, ni valeurs; elle est juste une organisation intergouvernementale héritière du Marché commun, lui-même héritier de la CECA (la dite «communauté européenne du charbon et de l’acier»). Sa base idéologique a toujours été l’accumulation capitaliste et le profit qui la permet, la division internationale du travail favorisant les pays riches au détriment des pays pauvres, la domination sous toutes ses formes dans le monde du travail comme dans la société.
L’UE est aujourd’hui le thuriféraire continental du néolibéralisme dont la pensée unique est de considérer que les services publics sont des obstacles à la libre concurrence et au triomphe du dieu marché. D’où tous les mauvais coups dont elle est l’initiatrice, dont les principaux sont les négociations les plus secrètes possible des traités de «libre-échange» avec les Etats-Unis (Tafta) et le Canada (Ceta) et son engagement en faveur du traité international de protection des investissements, soit le retour sous un autre nom de l’AGCS.
S’y ajoutent l’instauration d’une Europe policière avec les accords de Schengen et la guerre contre les migrants avec Frontex et la réglementation Dublin. Sans oublier l’accord de la honte avec la Turquie d’Erdogan le 18 mars 2016 et celui qui est en train d’être passé avec la Lybie, du moins avec l’un de ses gouvernements et les milices qui lui sont liées, un ramassis de forbans qui rançonnent, violent et tuent les réfugiés et les immigrés qui ont le malheur de tomber entre leurs mains.
Toute autre chose est le Conseil de l’Europe1 value="1">www.coe.int, créé en 1949 et qui rassemble 47 Etats, soit la quasi-totalité des pays du continent européen. Le Conseil de l’Europe, dont le siège est à Strasbourg, s’est fondé, lui, dès le début sur des principes et des valeurs dont les principales sont la démocratie, la suprématie du droit et les droits humains. Une de ses œuvres les plus importantes a été la proclamation de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) en 1950 et la création de la Cour européenne des droits de l’homme chargée d’en surveiller l’application, un particulier pouvant la saisir sur la base d’un grief adressé à un Etat partie. Même si la saisine de la Cour est un vrai parcours du combattant, ladite Cour a produit depuis 1959, date de sa création, une jurisprudence très importante et protectrice des personnes face à l’arbitraire gouvernemental.
Aux côtés des quatre instances composant le Conseil de l’Europe (Comité des ministres, Assemblée parlementaire, Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, Conférence des organisations internationales non gouvernementales) a été institué un Commissaire aux droits de l’homme, une institution indépendante au sein du Conseil. Son titulaire actuel, 2 value="2">Nils Muiznieks, «L’Europe peut faire plus pour protéger les réfugiés», Le Monde du 4 septembre 2015.Nils Muiznieks, a déjà pris position il y a deux ans contre la politique migratoire suivie par l’UE et les 28 gouvernements membres et, en particulier, contre la règlementation Dublin, dans une analyse claire, pertinente et engagée. C’est sur cette Europe-là fondée sur des principes et des valeurs qu’il faut s’appuyer dans nos combats pour la justice sociale, la démocratie et les libertés fondamentales!
Notes