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Au Tadjikistan, on se bat contre les effets de la pollution

Ces vingt dernières années, la lutte contre la pauvreté a enregistré de grands progrès, mais trop souvent au détriment de l’environnement. Dans quelques décennies tout au plus, les conséquences de la destruction de l’environnement et du changement climatique réduiront ces progrès à néant. A moins d’un changement radical dans l’utilisation des ressources naturelles, à l’exemple de ce qui est entrepris au Tadjikistan.
Environnement

Depuis l’indépendance et la fin de la guerre civile qui a suivi, le Tadjikistan est en pleine croissance. Mais ce développement s’appuie sur une utilisation effrénée de l’eau, de terres fertiles et des forêts. Plus de 70% des 8 millions d’habitants du pays vivent de l’agriculture, et ils ne disposent pour ce faire que de 7% des surfaces arables. Et encore, seulement lorsqu’ils peuvent les irriguer correctement. Or, un grand nombre de conduites et de canaux sont en mauvais état et un énorme volume d’eau se perd ou s’évapore avant d’atteindre les terres que celle-ci devrait irriguer. Le fait que l’essentiel de l’économie agraire se base sur la culture, très gourmande en eau, du coton, contribue à augmenter encore le gaspillage de cette ressource.

La pénurie généralisée de terres engendre un surpâturage et l’exploitation de terres en forte pente ou très exposées. Conséquence: les sols se sont dégradés, érodés, les glissements de terrain et les inondations se multiplient. La déforestation systématique est encore alimentée par la cessation de l’approvisionnement en gaz de l’ex-Union soviétique et la dépendance au bois comme combustible ménager (chauffage et cuisine).

Les conséquences économiques de ces dommages à l’environnement provoqués par le pays commencent à se voir: des rendements réduits à court ou moyen termes, des pertes de récoltes de plus en plus fréquentes et des dégâts d’infrastructures. Cette évolution est encore renforcée par des facteurs climatiques externes: le Tadjikistan fait partie des pays très fortement touchés par les conséquences du changement climatique, alors qu’ils ont très peu contribué à le provoquer. Ces prochaines décennies, le pays va probablement connaître une forte augmentation de ses tem-pératures moyennes et une baisse notable de sa pluviométrie.

La hausse des températures va engendrer une fonte accrue des glaciers du Tadjikistan, unique réserve d’eau du pays. On estime que ces glaciers auront entièrement disparu d’ici 2040. Les grands fleuves vont continuer à s’assécher, parce que la pluviométrie va baisser. Avec la raréfaction de l’eau, l’évaporation sera moindre, ce qui engendre chaleur accrue et un air plus sec. En outre, on pourra de moins en moins compter sur l’énergie hydraulique, qui joue un rôle économique de premier plan dans le pays.

Les glaciers, lorsqu’ils fondent trop vite, provoquent des coulées de boues et un envasement du lit des fleuves. La qualité de l’eau potable en sera donc compromise. La sécheresse sera de plus en plus fréquente en été, et à cause de cette sécheresse, certaines régions du pays ne seront plus en mesure d’assurer leur sécurité alimentaire.

Pour éviter un appauvrissement général, les Tadjiks doivent impérativement prendre des mesures strictes dès maintenant pour employer l’eau de manière plus efficace, protéger les réserves en eau, mettre un frein à la déforestation et stopper l’exploitation du sol. En collaboration avec des partenaires comme la Direction suisse du développement et de la coopération (DDC) ou la caisse de crédit allemande de la reconstruction (deutsches Kredi-tanstalt für Wiederaufbau), Caritas Suisse s’engage dans cette course contre la montre. La priorité est mise sur la reforestation et la gestion durable des forêts et des herba-ges, la mise en place d’une rotation des cultures et l’installation de cultures adaptées aux grandes chaleurs et peu gourmandes en eau.

C’est un travail de longue haleine: d’une part, il s’agit de convaincre, ce qui n’est pas une mince affaire; d’autre part, les changements à apporter ne peuvent pas se faire du jour au lendemain. Mais beaucoup de bailleurs de fonds ont une peine grandissante à s’engager sur le long terme et à faire preuve de patience. Par ailleurs, la sécheresse et la pénurie alimentaire de plus en plus aiguë qui frappent l’Afrique de l’Est captent l’attention. Au vu de cette évolution justement, il faudrait rester attentif à la situation du Tadjikistan et travailler à la coopération au développement dans le sens de la protection climatique. À défaut, dans quelques décennies seulement, le pays sera devenu stérile et le théâtre d’une crise alimentaire comparable.

* Responsable de programme au Tadjikistan, Caritas Suisse.

Opinions Agora Judith Niederberger von Wyl Environnement

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