Chroniques

Avignon 2017

En coulisse

Le projet Poutine, La violence des riches, La rencontre Danton-Robespierre, Migrants, Elf la pompe Afrique, Prisons possession, Memories of Sarajevo, la liste des spectacles au titre attrayant pour qui s’intéresse à un théâtre en prise avec l’actualité ou l’histoire est, cette année, au Festival d’Avignon, des plus alléchantes. Le renouveau du théâtre politico-historique se confirme chaque année davantage. Loin des snobismes formels et des querelles de chapelles, les artistes de 2017 du Festival d’Avignon entendent bien redonner au théâtre sa fonction première, à savoir opérer la catharsis des maux de la société via leur transposition dramaturgique.

A Avignon cohabitent depuis cinquante ans deux festivals complémentaires, le Festival In et le Festival Off. Le premier (plus court sur la durée) bénéficie des subventions publiques et de moyens importants. Il est le reflet partiel des grandes tendances des scènes nationales européennes. Cette année donc, que ce soit via l’épopée moliéresque (Le roman de Monsieur de Molière, Castorf) ou la dette grecque (Dans les ruines d’Athènes, Birgit Ensemble), les propositions politico-historiques avaient la part belle dans le Festival In et on ne peut que s’en réjouir. Mais c’est peu de chose vis à vis de l’effervescence en cours dans le Festival Off. Ce dernier propose cette année pas moins de 1500 spectacles! Tous les genres y sont mélangés: le monologue (un quart des spectacles!), la comédie populaire, la relecture de classiques, la danse-théâtre, la poésie, le récital, et surtout une majorité de pièces contemporaines inédites. Si l’on peut avoir le tournis devant un tel bouillonnement créatif, on ne peut que se réjouir de cette incroyable capacité de l’humanité à se projeter corps et âmes dans des projets artistiques audacieux et originaux.

La hiérarchie des moyens à disposition pour réaliser et défendre les spectacles dans le Festival Off va du très confortable au franchement indigent. Il y a là les grands noms du théâtre privé parisien dotés d’une production important, comme les troupes parfaitement inconnues qui cassent leurs tirelires personnelles.
Créé en 1947 par Jean Vilar, le Festival d’Avignon avait pour ambition de décentraliser le théâtre de son ancrage parisien («Le théâtre à Paris n’est plus qu’un musée» dixit Jean Vilar!) et de le rendre au peuple par le biais d’un festival situé dans le sud. En 1967, vent de contestation global aidant, un jeune poète, Gérard Gelas, et ses amis occupent une cave à Avignon et entendent porter haut et fort la parole d’un théâtre contestataire en sus de la programmation officielle. Le Festival Off est né. Il ne cessera de grandir et est aujourd’hui plus vivant que jamais.

On l’a dit, cette année, un record de 1500 spectacles est proposé aux estivants et une tendance déjà observée lors des précédentes et récentes éditions se confirme: les thèmes d’actualité, la prise de risque politique, l’investigation historique, les problématiques postcoloniales ou de genre, sont pris en main et traités par un nombre d’artistes impressionnant venus d’horizons très divers. La foule qui se presse dans la rue et dans les salles est à l’image des ces propositions, extrêmement dense. De nouveaux lieux se créent chaque année et indiquent que, dans la société peu enthousiasmante qui est la nôtre, de plus en plus de gens font le choix risqué de se lancer professionnellement dans le théâtre, ce qui est finalement un signe plutôt encourageant. Le rythme soutenu des spectacles qui se succèdent dans les salles du Festival Off oblige les troupes à des changements de décor extrêmement rapides (environ vingt minutes entre chaque spectacle). Cela requiert une ingéniosité de la part des techniciens et oblige les artistes à se concentrer sur des formes souvent simples et efficaces et, plus que tout, sur la qualité du contenu. Ainsi par un concours concomitant de contraintes techniques, de floraison de vocations et de marche négative de la société, le Festival Off propose-t-il des spectacles mobiles et qui vont droit au but, investiguant la marche du monde actuel ou dans l’histoire, sans sacrifier aux modes supposées.

A l’heure où au moins six salles de théâtre genevoises ou romandes changent de direction, puisse cette effervescence créative axée sur le contenu et l’adresse au public se refléter dans les programmations à venir!

Opinions Chroniques Dominique Ziegler

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lundi 8 janvier 2018

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