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L’imposture de la «gauche» institutionnelle

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La loi «Prévoyance vieillesse 2020» (PV 2020) est présentée par la «gauche» institutionnelle comme le «moindre mal» pour éviter un, paraît-il, naufrage du système des retraites en Suisse. Les Chambres fédérales ont grosso modo avalisé le projet présenté par le conseiller fédéral «socialiste» Alain Berset en 2013. Il prévoit en résumé une augmentation des primes du 2e pilier et une baisse des rentes de celui-ci (le taux de conversion passant de 6,8 à 6%), un financement complémentaire de l’AVS par une augmentation de la TVA, une élévation de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans en échange d’une augmentation de 70 francs par mois des rentes AVS pour les futurs retraités!

Cette loi a été acceptée, à des majorités «soviétiques», par les instances nationales des syndicats UNIA, SSP, SEV, Syndicom et USS et par le Parti socialiste suisse (PSS) à la suite d’une consultation interne de ses membres.

Un référendum obligatoire aura lieu fin septembre pour valider l’augmentation de la TVA. A cela pourra s’ajouter un référendum facultatif lancé par les oppositions syndicales, surtout romandes – en particulier les organisations faîtières de Genève (CGAS) et Vaud (USV) – des partis de la gauche de gauche (Solidarités, Parti du Travail, socialistes et Verts genevois), des associations et collectifs, notamment l’AVIVO qui défend depuis toujours les conditions de vie des retraités.

Il faut le dire sans ambages: cette loi est inacceptable et, venant d’un ministre officiellement «socialiste», elle est intolérable. Elle marque l’abandon par la gauche «institutionnelle» – tant partidaire que syndicale – de toutes les valeurs qui fondent précisément la gauche, elle renie toute son histoire et tous les combats menés pour assurer une retraite digne aux travailleuses et travailleurs. La création d’une assurance solidaire (par répartition) pour les retraités et les invalides était une des neuf revendications de la grève générale de 1918 avant qu’elle ne devienne – enfin – une loi en 1948.

Alors que l’égalité sociale est un des objectifs centraux du mouvement ouvrier depuis toujours, Berset et ses divers alliés pratiquent «l’égalité» par le bas en augmentant l’âge de la retraite des femmes à 65 ans alors que, structurellement, elles sont déjà en situation d’inégalité pendant toute leur vie professionnelle: salaires de 20 à 25% inférieurs globalement pour des tâches identiques à ceux des hommes, précarité des statuts et des contrats, temps partiels souvent imposés, fonctions peu qualifiantes, etc.

Or, il y avait d’autres perspectives pour consolider le système des retraites. Tout d’abord, enfin, mettre en question la loi sur la prévoyance professionnelle (LPP) pour fusionner le 2e pilier avec l’AVS dont le mode de fonctionnement est fondé sur la solidarité intergénérationnelle. Tout le contraire d’une épargne imposée qui est en fait un «formidable» panier où se servent les banques et les assurances! Ensuite, réfléchir à d’autres sources de financement de la sécurité sociale, comme le proposait déjà il y a plus de quarante ans, le professeur Pierre Gilliand, sociologue et démographe (1936-2009), qui remettait en question la source unique du prélèvement sur les salaires. Alors que la production des richesses est passée d’un mode à haute intensité de main d’œuvre à un mode à haute intensité capitalistique, poursuivre sur cette voie revient à faire reposer l’essentiel du financement de la protection sociale aux PME – qui fournissent le plus d’emplois – et le moins aux grandes entreprises et aux banques. Réfléchir ainsi à des contributions prélevées sur le «salaire des machines», via une taxe sur l’énergie, ou sur les transactions financières, serait faire œuvre progressiste.

Mais pour cela, il aurait fallu être une gauche de gauche et non cette deuxième droite, comme la nomment Noël Mamère et Patrick Farbiaz1 value="1">Voir «Contre Valls», les petits matins, 2016., qui n’est plus qu’une imposture!

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lundi 8 janvier 2018

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