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A Genève et Chiasso, on n’honore pas les mêmes!

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C’était le même jour, mercredi 22 février dernier. Au siège de la fédération patronale genevoise, Guillaume Barazzone, maire de Genève pour l’année en cours, remettait à Klaus Schwab, fondateur et directeur du Forum économique mondial (le WEF, World Economic Forum, en anglais de Wall Street), dont le siège est à Cologny, la médaille de la Ville «Genève reconnaissante».

Quelques heures auparavant, au Cinema Teatro de Chiasso, Claude Braun et Michael Rössler, du Cercle des Amis de Cornelius Koch, «l’abbé des pauvres et des réfugiés», décédé en 2001 et qui était domicilié à Genève, décernaient le prix suisse des droits humains «Alpes Ouvertes», à Lisa Bosia Mirra, députée socialiste tessinoise, et à Don Giusto della Valle, curé de la paroisse San Martino Rebbio à Côme, pour leur engagement quotidien aux côtés des réfugiés et exilés.

Dans sa péroraison, Guillaume Barazzone a rendu hommage à Klaus Schwab en disant que celui-ci avait compris que «le dialogue est un passage obligé vers une économie qui profite au plus grand nombre»1 value="1">Voir Le Courrier du 23 février 2017.. Mais sur quelle planète vit donc le jeune élu démocrate-chrétien, à forte tendance libérale certes, pour proférer de telles contre-vérités? Chaque année, à la fin janvier, le WEF réunit à Davos le gratin de ceux qui se prennent pour les maîtres du monde, entourés de leurs valets politiques et médiatiques et de leurs obséquieux courtisans, et qui jouent, entre champagne et canapés, à un Monopoly planétaire dont les gens, les peuples et la nature sont les perdants obligés. Dans cette station grisonne, gardée par des myriades de policiers et de soldats, et survolée par des avions de chasse, Schwab est le grand prêtre de ce temple de la pensée unique – dénoncée depuis des années par Ignacio Ramonet, ancien directeur du Monde Diplomatique2 value="2">Voir le Monde Diplomatique de janvier 1995. – dont le seul dieu est Mammon et le seul catéchisme l’accumulation et le profit!

Comment la municipalité de Genève, à l’exception notoire de Rémy Pagani, a-t-elle pu décerner une médaille de reconnaissance à celui qui est le chantre du néolibéralisme mondial et de son cortège de misères multiples? A-t-elle oublié, cette municipalité, que le nom de Genève est associé aux conventions du droit humanitaire et du statut du réfugié? Soit l’exact contraire de la cupidité, de la rapacité et de l’amoralité du capitalisme triomphant?

C’est un tout autre hommage qui a été rendu à Chiasso. Lisa Bosia Mirra n’est pas qu’une députée de gauche au Grand Conseil du Tessin, elle est aussi, voire surtout, la fondatrice et animatrice de l’association Firdhaus dont les bénévoles mènent une guérilla non-violente à la frontière sud de la Suisse pour protéger les réfugiés, en particulier les mineurs non accompagnés, contre les mesures de refoulement immédiat que pratiquent sur ordre les gardes-frontières helvétiques. Actifs aussi à Côme en relation avec les volontaires de Don Giusto della Valle qui a transformé sa paroisse en centre d’accueil et qui déclare urbi et orbi que cet accueil «n’est pas un plus, seulement une justice».

Quant à Lisa Bosia, sous inculpation pénale pour avoir fait passer la frontière à quatre mineurs, elle a déclaré dans ses remerciements pour le prix re-mis que «l’on peut bien construire des murs plus hauts, mais il y aura toujours quelqu’un qui construira une échelle plus haute que le mur»3 value="3">Voir la presse tessinoise du 23 février 2017.!

Comment ne pas penser, dans ce contexte, à la maire de Barcelone, Ada Colau, qui a appelé ses concitoyens à «emplir les rues» le samedi 18 février pour clamer «plus d’excuses, nous voulons accueillir maintenant». En chantant, hurlant, dansant «chez nous, c’est chez vous», elle a été entendue: de 160 000 (selon la police) à 300 000 personnes (selon les organisateurs) ont déferlé dans les rues de la capitale de la Catalogne. Devant la Méditerranée, où aboutissait l’immense cortège, l’hommage qui a été rendu par les manifestants l’a été aux plus de 5000 exilés qui s’y sont noyés en 2016.

A Genève, Chiasso et Barcelone, on n’honore pas les mêmes…

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Bruno Clément est animateur en éducation populaire.

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lundi 8 janvier 2018

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