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Genève : Projet de budget 2017 – Analyse

Le mardi 13 septembre, le Conseil d’Etat genevois a rendu public les grandes lignes de son projet de budget 2017. A ce stade, même si nous ne disposons pas de tous les détails, les choix politiques de l’exécutif sont clairs: trouver une majorité au centre pour tenter de calmer les esprits, le temps de faire passer la version genevoise de la Troisième réforme de l’imposition des entreprises (RIEIII).

En réalité, le «compromis» annoncé ne coûte rien aux partisans de l’austérité, même si les médias, les verts et le PS semblent en être convaincus. Pour s’en rendre compte, il suffit d’examiner de plus prêt la copie du gouvernement, ce qui nécessite de l’attention et de patience :

  1. Déjà 358 millions d’économies réalisées de 2015 à 2017. Dans son exposé des motifs, le Conseil d’Etat note que « Les nombreuses mesures d’économie et d’efficience prises au cours des deux dernières années [ont] (…) un effet positif durable de près de 300 millions [144 millions en 2015, 152 millions en 2016) qui améliorera [comprendre : dégradera] également tous les budgets futurs » (pp. 3 et 5). A ces économies récurrentes, l’exécutif ajoute de nouvelles réductions de dépenses pour l’année prochaine, à hauteur de 62 millions, ce qui représente en tout 358 millions.
  2. Maintien des coupes linéaires de 1% en 2017. Le projet de budget 2017 chiffre les coupes linéaires de 1% sur les charges de personnel et les subventions à 32,1 (contre 32,8 millions en 2016 économisés en 2016, malgré le régime des douzièmes provisoires). Le Conseil d’Etat a ainsi réintroduit les mesures les plus contestées, auxquelles il s’était engagé à renoncer en acceptant le point 13 du Protocole d’accord avec les organisations du personnel du 17 décembre 2015.
    A ces 32,1 millions s’ajoutent les économies supplémentaires suivantes : a) 10 millions liés aux effets induits du non versement de l’annuité 2016 (mesure 68, PB 2016) ; b) 2 millions sur le non financement des rattrapages pour la caisse de pension de la police (mesure 69, PB 2016) ; c) 16 millions de gains grâce à la transmission automatique des certificats de salaire à l’Administration fiscale (mesure 79, PB 2016) ; d) 2 millions sur l’assurance maladie.
  3. Hausse des charges effectives de 1,5% en 2017. La plus grande part de la hausse des charges prévue en 2017 renvoie à des dépenses sur lesquelles, comme il l’avoue lui-même, le Conseil d’Etat n’a aucune prise. En 2017, elle sera de l’ordre de 120 millions (+1,5%) et non de 233 millions (+2,9%), comme il l’annonce dans sa présentation. Il faut en effet tenir compte de la majoration effective du budget 2016 (douzièmes provisoires), tout au long fil de l’année, par le vote de «crédits supplémentaires» répondant à des dépenses contraintes (à la mi-septembre, la Commission des finances a déjà accepté 86,3 millions de crédits non budgétisés dans les douzièmes provisoires, à la demande expresse du Conseil d’Etat, dont le total annuel devrait atteindre 110-115 d’ici le 31 décembre).
  4. Le Conseil d’Etat est obligé de verser les annuités en 2017, tant mieux. Cette augmentation effective des charges d’environ 120 millions (1,5%) comprend le coût net des mécanismes salariaux et des cotisations aux caisses de pensions (51,2 millions). Il ne lui était pas possible de supprimer une nouvelle fois les annuités l’année prochaine, parce qu’il ne dispose pas d’une majorité politique pour cela au Grand Conseil (qui a réintroduit leur automaticité et exigé leur versement le 26 février dernier), mais aussi en raison du recours des syndicats devant la justice.
  5. Une misère pour répondre à l’explosion des besoins. Il ne reste donc au gouvernement qu’une marge de manœuvre de 64,5 millions, totalement autofinancée par les économies supplémentaires réalisées sur l’exercice 2017, soit 0,8% du total des charges de fonctionnement (8145 millions) pour venir en aide aux missions les plus sinistrées du secteur public.
    Depuis 2015, sur deux ans, cela ne représente que 16 millions de plus pour l’enseignement (0,8% d’un budget de 2 milliards), 4,5 millions pour la santé (0,4 % d’un budget de 1150 milliards), 3,5 millions pour l’action sociale, 3,5 millions pour les personnes âgées et le handicap, 3 millions pour l’administration fiscale, 2,5 millions pour la sécurité, 1,5 million pour la mobilité, etc. Or, ces secteurs sont confrontés à l’explosion des besoins d’une population qui a crû plus rapidement que par le passé (12 500 habitants et 2000 élèves de plus), qui a vieilli plus vite encore, qui s’est sensiblement paupérisée, et dont la mobilité a augmenté, notamment en raison de la croissance de la population active (100 000 frontalier·e·s).
  6. Il vaut mieux être une grande entreprise qu’un salarié. Du côté des recettes, les rentrées fiscales diminueraient de 113 millions pour les personnes physiques, alors qu’elles augmenteraient de 102 millions (pour les 39% des personnes morales qui paient encore des impôts) et de 28 millions pour le secteur immobilier. Des chiffres qu’il faut prendre avec des pincettes, tant les instruments prévisionnels sont peu précis en la matière! Un bon indicateur tout de même du fait que la conjoncture économique morose impacte plus fortement les salarié·e·s que les propriétaires immobiliers et les grandes entreprises, à qui on s’apprête pourtant à faire un formidable cadeau fiscal de 600 millions (RIEIII).

Jean Batou
Député EAG (solidaritéS), membre de la Commission des finances et de la Commission fiscale du Grand Conseil.

Opinions Agora Jean Batou

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