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Quand le loup se déguise en agneau

Le projet de budget 2017 du Conseil d’État, tel que présenté dans ses grandes lignes, fait réagir Jean Batou. Selon le député d’Ensemble à gauche, le «compromis» annoncé par l’exécutif ne coûte «quasiment rien» aux partisans de l’austérité, mais vise à forger une majorité au centre susceptible d’adopter la version cantonale de la réforme fiscale RIE III.
Genève

L’analyse des grands axes du projet de budget 2017 du Conseil d’État montre qu’il poursuit sans coup férir le plan d’austérité concocté en 20151 value="1">L’analyse du projet de budget 2017 réalisée par Jean Batou est accessible en ligne sous https://lecourrier.ch/batou_budgetGE_septembre_2016. Il continue la réduction du train de vie de l’État pour ne pas remettre en cause les baisses d’impôts accordées aux privilégiés depuis une quinzaine d’années, qui péjorent les recettes fiscales de plus de 1 milliard de francs par an, favorisant la hausse de l’endettement, comme le rationnement des services publics et des prestations sociales.

Ce projet de budget 2017 a été accueilli par tous les partis, sauf Ensemble à gauche (EAG), comme une volonté de compromis au centre. Les socialistes (avec quelques réserves), les Verts, le PDC et le MCG s’en réjouissent, le PLR et l’UDC font mine de le déplorer. Pourquoi? Parce que tous les partis ont les yeux rivés sur la RIE III. Les Verts et les socialistes, dont certains responsables ont d’ores et déjà annoncé leur disposition à accepter le projet du Conseil d’État à peine amendé au nom de la «responsabilité gouvernementale», du «réalisme» et d’une bonne dose de résignation, ne semblent plus en mesure de contester le rationnement de l’État social pour autant que le gouvernement garantisse un minimum de filets sociaux.

En revanche, le PLR et l’UDC sont convaincus qu’il faut aller plus vite encore vers la privatisation de certains services publics, vers la mise en cause des salaires et des retraites de l’État, vers la baisse des barèmes de l’aide sociale, vers la hausse des billets et des abonnements des TPG, vers le démantèlement de la LDTR, etc. Cependant, dans l’immédiat, ils ont tout intérêt à laisser le gouvernement manœuvrer «au centre», crédibilisant par là leurs critiques à un compromis «trop coûteux», pour préparer les conditions d’un durcissement de l’offensive dans un second temps.

Ce n’est qu’un début… L’extrême brutalité du PLR (qui dénonce la mollesse de ses magistrats «ex-radicaux») et de l’UDC les situe aujourd’hui apparemment dans l’opposition. C’est une posture idéale pour préparer le lancement du second étage de la fusée, pendant que le consensus gouvernemental PSG-Verts-PDC-ex-Radicaux-MCG réunit la majorité nécessaire à la mise en route du premier étage au nom du moindre mal (budget 2017 et RIEIII).

Si l’assurance d’un possible dérapage contrôlé dans les déficits peut permettre au gouvernement cantonal de gagner le soutien des socialistes à la RIE III, comme le laisse entendre la socialiste Sandrine Salerno, le jeu en vaut la chandelle! Ensuite seulement, la droite dure pourra lancer le deuxième étage de la fusée en invoquant l’explosion de la dette et le frémissement des taux d’intérêts pour porter une attaque plus frontale encore aux emplois, aux salaires et aux prestations du secteur public.

C’est pourquoi la gauche, les syndicats et les associations qui défendent réellement les intérêts des usager-e-s et des salarié-e-s des services publics doivent se battre pour un budget 2017 qui ne cède en rien sur les besoins essentiels de la population en termes de formation, de santé publique, d’action sociale, de transports collectifs et de logement. Comme l’a bien montré la brochure Quels moyens pour quelles prestations?2 value="2">http://sspge.ch/IMG/pdf/brochure_comite_de_lutte.pdf éditée par le «Comité de lutte des services publics» ce printemps, les dégâts sont déjà considérables. Si l’État veut faire des économies, il peut en réaliser dans le domaine des prisons, parce que l’État-pénitence ne doit pas se nourrir de l’érosion continue de l’État-providence.

Si le canton manque de ressources, commençons par refuser le formidable cadeau fiscal de 600 millions offert aux grandes entreprises en disant «non» à la RIE III. Et, s’il faut des recettes supplémentaires, réduisons par paliers la baisse d’impôts de 12%, introduite en 1999, sur les revenus imposables de 200 000 francs et plus (supprimons-là totalement au-delà de 310 000 francs), ce qui rapporterait quelque 100 millions supplémentaires à l’État sans majorer la contribution de 90,5% des foyers fiscaux. Une proposition légitime, puisque qu’un couple avec deux enfants qui déclare un revenu de 300 000 francs paie aujourd’hui moins d’impôts cantonaux et communaux en Ville de Genève qu’à Bâle, Berne, Delémont, Fribourg, Lausanne, Liestal, Neuchâtel, Soleure et St-Gall (OFS, 2016).
 

Notes[+]

* Député EAG (solidaritéS), membre de la commission des finances et de la commission fiscale du Grand Conseil.

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