Sous la plage, les pavés!
L’été est là et il est le bienvenu. Que l’on parte de chez soi ou non, par choix ou par contrainte financière, le rythme de la vie ralentit. Le stress habituel, et la course éperdue derrière «ce que l’on doit absolument faire», disparaît dans la moiteur de l’air et du soleil. D’ailleurs, en fait, on se surprend à penser que ce mode de vie «au ralenti» est celui que l’on devrait avoir tous les jours parce que c’est le vrai rythme humain.
L’été a fait l’objet il y a quatre-vingts ans d’une conquête sociale décisive obtenue avec le Front populaire en France, les fameux «congés payés» qui étaient alors de deux semaines. On ne mesure plus à ce propos la rupture culturelle que fût le fait même d’être payé sans travailler. En effet, dans les morales tant judéo-chrétiennes que léninistes, l’humain ne pouvait rien obtenir sans le passage obligé de l’effort. Il fallait suer sa vie pour la mériter. Pour les patrons, le choc fut encore plus rude: «Comment? Payer mes ouvriers à rien foutre, ça va pas la tête!». Ils n’en sont toujours pas revenus…
Ce droit aux vacances s’est petit à petit répandu dans tous les états démocratiques pour atteindre aujourd’hui un minimum de quatre ou cinq semaines par an selon les législations respectives. L’économie marchande qui ne produit jamais aucune innovation réelle sait par contre parfaitement récupérer tout ce qui pourrait faire de l’argent et donc du profit. C’est ainsi que les congés payés, qui demeurent une conquête sociale absolue, sont devenus également un nouveau domaine du mercantilisme. L’industrie du tourisme, proche parente de l’industrie du loisir, a ainsi développé jusqu’à saturation les offres de rêves chimériques pour des destinations plus ou moins lointaines, plus ou moins exotiques, plus ou moins en toc et en carton-pâte. Ce genre d’officines productrices de poudre aux yeux est responsable, de manière croissante, de la transformation du voyage – qui est la découverte des autres et de soi – en tourisme de masse dont on connaît les destructions massives de régions, de populations et de cultures!
En même temps, on ne peut oublier, sans jouer au rabat-joie de service, que la saison estivale ne supprime aucune injustice, aucune inégalité, aucun drame humain. Tous les jours ou presque, pour ne citer que cet exemple, la Marine militaire italienne et le bateau de solidarité Aquarius sont les témoins révulsés des réfugiés qui se noient en Méditerranée et qui se comptent par dizaines quotidiennement. Heureusement, ces bateaux de la main tendue en sauvent aussi des centaines chaque jour dans un magnifique pied de nez aux gouvernements et à l’Union européenne.
De même, Manuel Valls a beau avoir fait usage mercredi 20 juillet, pour la troisième fois, de ce déni démocratique que constitue l’article 49.3 de la Constitution française pour faire passer en force la scélérate loi travail, devant un hémicycle quasiment vide, il ne perd rien pour attendre.
À la rentrée, camarades! Sous la plage, les pavés…
*animateur en Éducation populaire