Les minots avaient rencard avec Pigalle
L’Usine de Genève s’est transformée en jardin d’enfants, samedi après-midi, le temps d’un concert du groupe Pigalle taillé sur mesure (notre interview dans Le Mag de vendredi dernier). Des minots, mais pas que: de toute évidence, les parents, quadras et quinquas, étaient là aussi pour leur propre plaisir, en inconditionnels de Pigalle, des Garçons Bouchers et Los Carayos, groupes phares de la scène alternative française. Nombre de visages qui se faisaient rares aux concerts avaient repointé le bout de leur nez. Excellente initiative que celle de l’association Kalvingrad!
Crêpes et sirop
Ambiance décalée et un brin surréaliste au moment de pousser la porte du bastion alterno, les piaillements des bambins remplaçant le rock comme musique d’ambiance. A l’heure de l’apéro, c’est crêpes et sirop. L’Usine a tout prévu, même la déco, son zinc tapissé de gazon synthétique. Plus de 500 personnes, dont une bonne moitié de petits (dès 6 ans, parfois moins), ont répondu à l’appel. «J’ai jamais sorti 80 balles pour aller à l’Usine, mais bon…», se résigne un papa. Avec un petit sourire qui dit que les parents sont contents quand même.
Agglutinés devant la scène ou calés sur une paire d’épaules, leurs rejetons arborent parfois des «pamirs» antibruit. Vers 18h30, François Hadji-Lazaro fait son entrée, improbable avec sa bedaine débordant du pantalon, ses bretelles, sa tête de gros bébé chauve et sa gouaille de titi parisien. «Tout va bien les enfants?» C’est parti pour une heure de chansons rigolotes et pas cul-cul, sur un rock aux accents punk joué à volume raisonnable, une bourrée auvergnate ou un reggae. Hadji-Lazaro est secondé par ses fidèles camarades Jean-Charles Boucher (basse, chœurs) et Gaël Mesny (guitare, chœurs). On le savait, le chanteur et parolier manie plein d’instruments, accordéon, cornemuse, banjo, guimbarde, ukulélé, notamment lors d’une séquence narrée en forme de tour du monde – coiffe rasta ou tresse chinoise à l’appui. «Dans votre classe, y a sûrement plein d’enfants qui viennent de partout dans le monde!»
Superhéros du quotidien
La pédagogie et l’ironie se glissent entre les strophes, par exemple dans ce texte sur un pépé mytho: «Mon grand-père, il était propriétaire / Il possédait la moitié d’la terre! Mais c’est même pas vrai!» – le dernier bout de phrase scandé à l’unisson par les enfants aux anges. Ou dans ce titre de Pigalle, «L’Eboueur» – «qui s’appelle en général Mohammed ou Paulo» –, ce superhéros du quotidien qui «traverse la ville dans la brume, dans son bel uniforme flamboyant.»
Quand un bébé violon, taille 1/16, naît en direct sur scène, il émet ses premiers sons sous l’archet de François Hadji-Lazaro. Avant que ces mêmes paluches n’empoignent un jambon maousse pour un solo façon guitar hero, joué par Gaël Mesny planqué en coulisse. Un classique de Pigalle, «Dans la salle du bar tabac de la rue des Martyrs», remplit d’aise les parents. Le temps est venu de prendre congé sous un lâcher de ballons qui récolte un franc succès. Charlotte en trottinette est fière d’avoir récupéré le sien. Elle tourne en boucle autour de ses parents pour réclamer «une crêpe au Nutella». Si elle a aimé le concert? «Oui, c’était rigolo!» Ce qu’elle a préféré? «Moi, j’ai deux flûtes à la maison alors j’aime quand il joue de la flûte.»
Jules, lui, est «fan», selon son papa: «On a le CD depuis six mois environ, on a dû l’écouter 250 fois.» Son garçon, blotti dans ses bras, chantonne d’ailleurs la mélodie du grand-père menteur. Du côté de la sécu de l’Usine, on relève avec humour qu’«aucun coma éthylique ou abus de sirop n’est à déplorer».