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Des coupes budgétaires myopes et mal placées

Le Conseil fédéral ne tient pas ses promesses d’augmenter l’aide au développement. Il vise des économies là où la souffrance et les causes des migrations peuvent être combattues le plus efficacement, selon Alliance Sud.
Développement

Dans son message sur la coopération internationale 2017-2020, le Conseil fédéral fait des coupes claires dans la coopération au développement bilatérale et à long terme. L’objectif qu’il s’était lui-même fixé d’allouer 0,7% du revenu national brut (RNB) à l’aide au développement s’éloigne de plus en plus. Alliance Sud critique le fait que, dans la situation internationale tendue, on fasse des économies sur le dos de la prévention de la détresse, des conflits et d’autres causes des migrations.

Déjà pour 2016, le Conseil fédéral a coupé le budget de la coopération au développement de plus de 115 millions de francs. Aujourd’hui, dans le message sur la coopération internationale 2017-2020, il fait encore d’autres coupes claires. Il piétine ainsi la décision du Parlement d’allouer 0,5% du RNB à la coopération publique au développement. De surcroît: sur le plan international, la Suisse a répété à plusieurs reprises qu’elle visait l’objectif du 0,7% du RNB pour la coopération au développement. Avec le message présenté aujourd’hui, ce montant ne représentera plus que le 0,48% d’ici 2020.

Les coupes ne concernent pas de la même façon tous les crédits cadre contenus dans le message. Ainsi les crédits-cadre pour l’aide humanitaire et la coopération économique du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) vont dépasser en 2017 le niveau de 2015. Au vu des crises multiples et des défis globaux, le besoin d’aide humanitaire d’urgence est évident. Mais le Conseil fédéral veut faire des économies massives dans la coopération au développement bilatérale et à long terme. Ici, jusqu’en 2020, le niveau de 2015 ne sera pas atteint de nouveau. Alliance Sud critique cela comme étant une grave erreur, car seule la coopération au développement à long terme combat les causes structurelles de la pauvreté et de la détresse et sert à prévenir les crises et les conflits. Finalement, ces coupes signifient que la Suisse se limite de plus en plus à des activités réactives, au lieu d’investir dans la prévention de possibles crises futures.

Sur le plan du contenu, le nouveau message sur la coopération internationale mise sur la continuité. Bien que des moyens nettement inférieurs y soient alloués, la lutte contre la pauvreté reste l’objectif principal. L’accent régional sur l’Afrique sub-saharienne, où se trouvent 34 des 48 pays les plus pauvres, fait du sens. Nous saluons aussi l’orientation du message vers l’agenda 2030 de l’ONU pour le développement durable, adopté en 2015. Il doit servir de cadre de référence pour la coopération internationale de la Suisse. La lutte contre la pauvreté ne peut réussir que si toutes les dimensions de la durabilité sont prises en considération.

Mais dans les faits, le Conseil fédéral se contredit en fixant des accents stratégiques et en réduisant les moyens pour les atteindre. Il ne veut se retirer d’aucun pays. En cela, le comité du développement de l’OCDE (DAC) a déjà critiqué en 2013, dans son dernier rapport périodique sur la Suisse, le morcellement de la coopération suisse au développement vers trop de pays. La raison principale de ce saupoudrage est que la Suisse veut être présente avec les fonds du développement dans autant de pays que possible pour servir aussi des intérêts de politique étrangère et économiques. Ce n’est pas un hasard si on parle de faire de nouveau de la coopération au développement en Erythrée en échange du renvoi des requérants d’asile. Au vu des coupes prévues, avec un budget minimal, la Suisse risque de marquer sa présence dans beaucoup de pays en développement mais, en tant que petit acteur, de ne pas pouvoir jouer un grand rôle.

* Responsable de politique de développement, Alliance Sud, www.alliancesud.ch/fr

Opinions Agora Michel Egger Développement

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