Agora

Un monde urbain enrichi par la migration

ÉCLAIRAGE • Des migrants et des villes. Cette année, l’OIM a fait coïncider le thème de son Dialogue international sur la migration avec celui de son rapport annuel «Etat de la migration dans le monde».

Réunis à Genève les 26 et 27 octobre à l’occasion du Dialogue annuel de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), des maires de grandes villes des quatre coins du monde ont exprimé leur solidarité envers les réfugiés et leur détermination à combattre le populisme d’extrême-droite. Les travaux de la conférence, consacrée au thème des «migrants et des villes», ont aussi mis en évidence l’impact positif de la migration sur le développement économique et social des villes, et ce à l’échelle de la planète.

Le monde de demain sera plus urbain que jamais. Plus de 54% de l’humanité réside aujourd’hui dans des centres urbains. La population urbaine planétaire atteindra 6,4 milliards d’individus à l’horizon 2050. A cause d’une focalisation excessive sur la migration internationale, les dimensions, très nettement supérieures, de la migration interne aux Etats sont négligées. La migration urbaine concernerait pas moins de 260 millions de personnes en Chine. Sur les 24 millions de personnes résidant dans la mégalopole de Shanghaï, pas moins de 10 millions doivent être considérés comme des migrants. Selon les prévisions démographiques, la très grande majorité de l’accroissement mondial de population, soit 2,5 milliards de personnes dans les prochaines décennies, s’effectuera, à l’échelle du globe, dans des villes à bas ou moyens revenus, en particulier en Afrique et sur le continent asiatique.

Les migrants font encore trop souvent office de parents pauvres des études consacrées au développement urbain. Cependant, soutenues notamment par UN-Habitat et l’Unesco, de plus en plus nombreuses sont les villes qui s’emploient à faire de la donne migratoire une part intégrante de leurs programmes de planification et de gestion urbanistiques. Autre enseignement central du «World Migration Report 2015»1 value="1">Le rapport intégral en français: https://publications.iom.int/system/files/pdf/wmr2015_fr.pdf, les politiques migratoires restrictives (en particulier en ce qui concerne l’accès à l’emploi) ont non seulement de bonnes chances d’avoir un impact négatif sur la croissance et le développement des pays d’origine des migrants, mais aussi sur celui de leurs pays de destination. Barcelone, Bruxelles, Leipzig, Madrid, Palerme, Paris; Gaborone, Mogadiscio, Karofane, Kigali, Kumasi; Naga, Guangzhou; La Union, Los Angeles, New York, Quillicura… Même si leur ampleur diffère, des défis comparables attendent les municipalités sur plusieurs continents. Parmi ceux-ci: l’accès au travail, au logement et la santé; la protection des migrants les plus vulnérables (femmes, enfants, minorités visibles); la lutte contre les préjugés et les discriminations; l’encouragement à la résilience des migrants et de leurs communautés… Au rang des bonnes pratiques développées dans le Nord global, on peut citer notamment la politique anti-rumeur menée par la municipalité de Barcelone, l’introduction de cartes d’identité pour migrants irréguliers à New-York ou la vaste campagne de conscientisation de l’opinion bruxelloise au statut de réfugié. Les efforts encore embryonnaires des municipalités, souvent limités ou contrecarrés par le cadre législatif en vigueur à un échelon supérieur (étatique ou supra-étatique) vont de pair avec une identification et une solidarité pleine et entière envers les réfugiés. Le sort des réfugiés en provenance de Syrie, d’Irak, d’Erythrée et de Somalie a particulièrement été mis en lumière, notamment par les témoignages des représentants de la Turquie, de la Grèce et de la Serbie. Le maire de Palerme Leoluca Orlando a mis en cause la nature «criminogène» du cadre juridique européen régulant la migration. La maire de Madrid Manuela Carmena, ancienne rapporteuse de l’ONU sur la détention arbitraire, a dépeint la souffrance intolérable des réfugiés mineurs et fait un plaidoyer pour l’abolition de la pratique de la détention administrative.

Notes[+]

* Chercheur en sciences sociales, journaliste indépendant, conseiller municipal Ville de Genève.

Opinions Agora Emmanuel Deonna

Connexion