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9 février: faut-il revoter?

SUISSE • Ayant abouti, l’initiative «Sortons de l’impasse» devrait amener les Suisses à se prononcer une seconde fois sur la libre circulation. Antoine Chollet s’interroge sur l’opportunité politique de la démarche.

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A la suite du succès de l’initiative de l’UDC contre la libre circulation, le 9 février 2014, avec seulement 20 000 voix d’écart, un collectif un peu hétéroclite, où l’on retrouve notamment la présidente nationale du Syndicat des services publics, Katharina Prelicz-Huber, et Beat Ringger, de Denknetz, vient de faire aboutir l’initiative RASA (Raus aus dem Sackgasse, «Sortons de l’impasse»). Son contenu est simple: abroger les deux paragraphes ajoutés à la Constitution fédérale l’an passé.

L’objet de cette initiative est inédit dans l’histoire suisse, puisque les citoyen-ne-s n’ont jamais été appelé-e-s à se prononcer sur un texte renversant très exactement un vote antérieur. Il est cependant arrivé à de nombreuses reprises que le peuple et les cantons doivent se prononcer plusieurs fois sur le même thème (l’adhésion à l’ONU, l’introduction de la TVA ou les accords bilatéraux eux-mêmes, par exemple). Sur le principe, il est tout à fait normal de considérer qu’une décision ne vaut que tant que le souverain ne l’a pas défaite. La possibilité de reconsidérer une décision passée est tout à fait essentielle. A ce titre, RASA est parfaitement légitime, n’en déplaise aux vainqueurs du 9 février.

Il est plus malaisé en revanche d’évaluer son opportunité politique. Il n’est pas du tout impossible qu’elle se transforme en nouveau plébiscite pour une UDC qui en sortirait alors encore renforcée. Elle servira aussi, très probablement, de moyen de pression sur le Conseil fédéral dans les négociations qu’il mène avec l’Union européenne, sachant que le comité d’initiative n’hésitera pas à la retirer si lesdites négociations lui paraissent satisfaisantes. Il n’est pas inimaginable enfin qu’elle soit acceptée.

Il n’en demeure pas moins qu’à gauche la politique à défendre vis-à-vis des accords bilatéraux ne peut se contenter de chercher à annuler les victoires constitutionnelles de l’UDC. En cas de succès, en effet, on ne fera que recréer les conditions qui ont permis à l’initiative «contre l’immigration de masse» d’être acceptée le 9 février 2014.

* Paru dans Pages de gauche n° 147, septembre 2015, www.pagesdegauche.ch

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