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Le diagnostic préimplantatoire (DPI) éthiquement nécessaire

VOTATIONS DU 14 JUIN • Le Dr Bernard Borel argumente en faveur de la modification constitutionnelle qui permet l’autorisation du diagnostic préimplantatoire dans le cadre d’une fécondation in vitro.

Le peuple suisse est amené à voter sur un changement de la Constitution à l’article 119 le 14 juin prochain. En cas d’acceptation du changement constitutionnel, la loi déjà votée au parlement en 2014 entrera en vigueur, sous réserve d’un référendum facultatif, qui sera certainement lancé par un parti ou une association.

Le texte modifié est le suivant: «ne peuvent être développés hors du corps de la femme jusqu’au stade d’embryon que le nombre d’ovules humains pouvant être immédiatement implantés.» (actuel); «ne peuvent être développés hors du corps de la femme jusqu’au stade d’embryon que le nombre d’ovules humains nécessaires à la procréation médicalement assistée.» (nouveau).

Il faut savoir qu’un couple sur six en moyenne souffre d’une stérilité «naturelle». La procréation médicalement assistée (PA – dont fait partie la fécondation in vitro  FIV) permet à ces couples, s’ils le désirent, d’avoir malgré tout des enfants dans la plupart des cas. Et si on peut et doit se poser la question sur le pourquoi de ce taux élevé de stérilité, on doit aussi permettre aux couples «victimes» de stérilité d’avoir recours à la PA et si nécessaire à la FIV. Ce principe est déjà accepté, mais la Constitution et la Loi fédérale sur la procréation médicalement assistée (LPMA) actuelle limitent l’implantation de 3 embryons, partant du principe qu’il n’est pas raisonnable d’en implanter plus pour ne pas risquer que la mère porte plus de 3 enfants. Or en moyenne, il faut six (!) ovules pour développer un unique fœtus viable, comme c’est le cas lors d’une grossesse naturelle. Un nouveau plafond de 12, associé à l’autorisation de conserver les embryons surnuméraires, permettra d’effectuer un diagnostic préimplantatoire (DPI) au jour 5 du développement embryonnaire, avec une chance réaliste de trouver un embryon non porteur d’une maladie génétique. Si plus d’un embryon n’est pas porteur, la nouvelle loi permettra alors de le cryo-conserver en vue d’une seconde chance. La durée maximale de conservation est fixée à dix ans. Il faut savoir qu’une grande partie des embryons inaptes à se développer dégénère naturellement dès un stade très précoce: entre le jour 1 et le jour 5. Il sera donc beaucoup plus facile de déterminer au jour 5 l’embryon qui a le plus grand potentiel de développement sur les 12 embryons maximum (et celui qui ne porte pas de maladie génétique). On pourra alors en implanter un et cela diminuera le risque lié à une grossesse multiple, avec des risques importants de complications maternelles et d’accouchement prématuré. C’est ce qui est observé dans les pays européens qui ont accepté des législations analogues à celle proposée aujourd’hui au peuple suisse.

Il faut bien comprendre qu’actuellement, puisque le DPI n’est pas autorisé, la plupart des couples font ensuite, à 11 ou 12 semaines de la grossesse, une analyse du fœtus (qui est parfaitement légale) qui permet de révéler ou non l’existence d’une maladie génétique. Cette analyse est malheureusement grevée d’un risque relativement important de fausse-couche, et si une maladie génétique est avérée, c’est un grand trouble émotionnel pour le couple confronté à la décision ou non d’une interruption de la grossesse.

Cette modification de la Constitution, et celle de la loi y étant relative, est approuvée par la Commission nationale d’éthique et correspond à ce qui se passe actuellement dans la plupart des pays européens.

Par ailleurs, il faut savoir que pour les couples qui n’ont pas d’autres choix pour fonder une famille que d’avoir recours à une PA – et en particulier à la FIV – c’est un véritable parcours du combattant… qui, s’il donne naissance à un enfant sain, est une joie qui permet heureusement d’oublier les difficultés antérieures. On y a recours parce qu’on n’a pas d’autres moyens, et pas pour savoir le sexe de son enfant!

La question subsidiaire, mais qui ne concerne pas la votation, est celle du remboursement de la FIV par la Lamal, au nom de l’équité de l’accessibilité aux soins.
Et finalement il est bon de se rappeler que, heureusement, cela concerne moins de 2% des quelque 85 000 enfants qui naissent chaque année en Suisse.

* MPH, pédiatre FMH, président de Médecins du monde Suisse.

Opinions Agora Bernard Borel

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