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Les Roms toujours aussi mal lotis

HONGRIE/ROUMANIE • Victimes de ségrégation et d’un racisme violent, des familles entières de Roms ont été expulsées de leurs logements et se retrouvent à la rue en Hongrie ainsi qu’en Roumanie.

Soixante-trois Hongrois ont déposé le 20 octobre 2014 une demande d’asile en Suisse. Comment ces familles issues d’un Etat membre de l’Union européenne, considéré comme sûr, en sont-elles arrivées là?

Expulsés de leurs logements, priés de quitter leur propre ville, ces habitants de Miskolc – quatrième ville de Hongrie, située dans le nord-est du pays – ne sont malheureusement qu’un exemple parmi d’autres des violations du droit au logement subies par les Roms de Hongrie et de Roumanie.

A Miskolc, c’est tout le quartier de Számozott utcák que les autorités ont décidé de raser sous prétexte d’éliminer un «bidonville», mais afin surtout d’y construire un stade de football. Ces maisons ne sont certes pas de haut standing, mais elles sont loin d’être insalubres. Par contre, elles ont le désavantage d’être habitées à 80% par des Roms. Et le racisme antirom fait fureur dans cette cité au passé industriel.

Les expulsions ont débuté en août 2014. Au minimum 450 familles roms ont été priées de quitter le logement qu’elles habitent depuis des années – 85% d’entre eux y sont nés.

En apparence, les autorités respectent les procédures, en offrant une indemnité de 7000 francs. Sauf que cette compensation est soumise à des conditions – absence d’arriérés de paiement de loyers et possession d’un bail en bonne et due forme – qui en excluent de facto l’écrasante majorité des expulsés. Paupérisées par le chômage, de nombreuses familles se retrouvent à la rue.

De plus, l’indemnité n’est versée que pour l’achat d’un logement hors de la ville. Cette clause révèle le vrai visage d’une politique qui, sous prétexte de réaménagement urbain, vise avant tout à chasser les Roms de Miskolc. De manière cynique, les élus du Fidesz, le parti conservateur au pouvoir, cherchent à «brûler la politesse» à leur concurrent d’extrême droite, le Jobbik, en reprenant à leur compte un discours raciste des plus violents à des fins électorales, en pleine campagne pour les municipales.

Le cas de Miskolc reste symptomatique des discriminations vécues au quotidien par les Roms. En 2008, le Conseil de l’Europe a qualifié le discours antirom en Hongrie de «tout à fait semblable à celui qu’employaient les nazis et les fascistes dans les années 1930 et 1940».

Un peu plus au sud, la situation des Roms n’est pas plus réjouissante. Fin novembre, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a dénoncé «la discrimination et l’exclusion sociale» subies en Roumanie par des Roms forcés de vivre dans des «conditions de logement inférieures aux standards», sans accès aux infrastructures de base, et expulsés de force pour être relogés «dans des sites dangereux et pollués», quand relogement il y a.

A Cluj-Napoca, en Roumanie, 300 personnes ont été expulsées de force du jour au lendemain de leurs maisons proches du centre-ville et relogées dans un site loin de tout, à part d’une ancienne déchetterie de produits chimiques. Quatre ans après, suite à la mobilisation de différentes ONG comme Amnesty International, la justice roumaine a condamné leur expulsion, mais ces familles continuent de vivre dans des conditions insalubres et inhumaines, à treize dans une seule pièce, dans un environnement pollué et dangereux.

Isolées de tout, à trois kilomètres de l’arrêt de bus le plus proche, la plupart ont dû renoncer à se rendre au travail ou à l’école. De telles expulsions, comme la quasi-impossibilité pour ces communautés d’obtenir un logement au centre-ville, alimentent la ségrégation dont sont victimes les deux millions de Roms roumains, malgré tous les traités internationaux ratifiés par la Roumanie.

On ne peut que constater que la situation des Roms hongrois et roumains illustre les conséquences d’une politique publique discriminatoire. C’est justement pour éviter qu’en Suisse une minorité ne se retrouve ainsi dans l’incapacité de faire respecter son droit au logement que l’Asloca s’engage avec détermination pour le respect des droits de l’homme, les droits des minorités et le maintien des conventions les garantissant.
 

* Secrétaire général de l’Asloca romande. Paru dans Droit au logement n° 218, février 2015.

Opinions Agora Carlo Sommaruga

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