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Le choix de la cohérence

POLITIQUE • «On ne peut à la fois condamner un système et vouloir sans cesse l’améliorer.» Laurent Tettamanti fustige l’«incohérence» politique du Parti socialiste et des Verts valdo-genevois.

Le débat et les mouvements sociaux actuels suscités par l’énième budget d’austérité genevois appellent à une prise de conscience politique plus large, ainsi qu’à une nouvelle perspective collective, si l’on ne veut pas que ces luttes – défensives et parfois cloisonnées – se répètent jusqu’à un épuisement total.

Tout système a en effet sa propre logique, et croire que le libéral-capitalisme peut durablement coexister avec un Etat providence s’avère aujourd’hui une grave erreur d’appréciation. En effet, il apparaît clairement après vingt-cinq ans d’attaques contre nos institutions sociales, que les «Trente Glorieuses» (quarante pour la Suisse) n’étaient qu’une parenthèse découlant du contexte de la Guerre froide. En définitive, les privatisations, coupes budgétaires, baisses d’effectifs de la fonction publique et autres suppressions de prestations sociales sont inscrites dans l’«ADN» libéral-capitaliste; elles sont au cœur de sa mécanique infernale menant à la loi du plus riche et au démantèlement de l’Etat, maintenu uniquement dans un rôle répressif au service de la caste des possédants. Alors, que faire pour inverser sérieusement cette tendance?

Il s’agit d’une bataille idéologique qui nous oblige premièrement à démystifier les arguments des tenants du régime actuel. A commencer par dire que la productivité du travail humain n’a jamais été aussi élevée et qu’il y a tous les moyens pour vivre bien; dire ensuite que la «crise» n’existe que pour les exploités et que le véritable problème se situe dans le vampiresque appétit du capital, au niveau de la propriété des moyens de production et de la finalité de l’économie. Dire aussi que le travail n’est pas rare mais, au contraire, abondant sous forme de facultés de faire et de besoins non satisfaits, et qu’il faut juste le mettre en œuvre en rompant avec la logique du profit. Dire encore que la dette publique est en grande partie illégitime car fondée sur la privatisation de la création monétaire, sur la spéculation et la corruption.

Mais il s’agit aussi d’un combat politique, que nous ne pourrons mener à bien sans préalablement faire le deuil de la social-écolo-démocratie, en constatant sa faillite historique liée à son incapacité à proposer une alternative aussi cohérente que le modèle libéral qu’elle fustige. On ne peut à la fois condamner un système et vouloir sans cesse l’améliorer! Le PS et les Verts persistent, à la remorque du PLR: ils dénoncent systématiquement les coupes budgétaires, mais les socialistes vaudois ont récemment accepté la baisse du taux d’imposition des entreprises, faisant perdre des centaines de millions aux collectivités du canton, tandis qu’à Genève, c’est l’ex-ministre vert David Hiler qui avait impulsé cette même réforme calamiteuse. Aujourd’hui, la position de son parti reste ambiguë, tout comme celle du PS genevois, prêt à négocier un compromis qui sera favorable aux entreprises privées.

Aujourd’hui, le choix de la cohérence s’impose. Ce choix, c’est celui de redonner de la valeur au débat politique et de l’espoir aux citoyens, qui iront alors plus nombreux voter. C’est sortir de l’emprise des gourous corrompus de la «fin de l’Histoire». C’est par exemple affirmer, malgré le terrorisme intellectuel (et médiatique) ambiant, que les biens communs dépassent largement le périmètre actuel de l’Etat et qu’ils doivent être repris en mains par le peuple. C’est oser perdre aujourd’hui pour gagner demain.
 

* Secrétaire du Mouvement vers la révolution citoyenne (MvRC).

Opinions Agora Laurent Tettamanti

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