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Le salaire minimum en agriculture?

VOTATIONS • Agriculteur dans le Jura bernois, Paul Sautebin dénonce la position «opportuniste et à courte vue» des syndicats paysans qui se sont prononcés contre le salaire minimum.

Le monde des paysans, victime de la libéralisation des marchés, de l’ouverture des frontières, de la baisse des revenus, etc. a appris à pointer du doigt les usurpateurs qui, en amont et en aval, siphonnent la plus-value des campagnes: l’agro-industrie et les grands commerces. De là, depuis quelques années, un esprit de solidarité professionnelle est né dans le monde agricole et – autre changement – la sympathie des consommateurs-citoyens s’est manifestée, comme lors de la grève du lait, où les producteurs revendiquaient un franc par litre pour couvrir leurs frais.

Aujourd’hui, alors que d’autres victimes du néolibéralisme revendiquent un salaire minimum de 4000 francs par mois, les organisations paysannes –  l’Union suisse des paysans (USP), Uniterre, – se liguent pour le leur refuser. Le clou est encore enfoncé plus bas par les maraîchers et arboriculteurs vaudois, qui vont chercher la complicité des consommateurs en brandissant une augmentation de 43% sur leurs produits si le salaire minimum s’appliquait.

En fait, plutôt que d’appeler à se battre contre la cause et les responsables de cette exploitation dont elles sont aussi victimes, ces organisations font des 30 000 ouvriers agricoles suisses des boucs émissaires. Elles demandent aux consommateurs d’avaler en bonne conscience les fruits et légumes d’une inégalité nationale, elles demandent à des consommateurs salariés à trahir plus petit qu’eux. Ce faisant, ces organisations paysannes refusent ni plus ni moins à une part de la population les moyens d’acheter leurs propres produits! C’est forcer à l’écœurement dans tous les sens du terme.

Salaire minimum ou pas, le néolibéralisme va faire quelques bouchées de l’agriculture paysanne; la politique agricole fédérale en cours jalonne déjà une bonne part du chemin tracé par l’agrobusiness: concurrence accrue, concentration des domaines, abandon de certaines branches, ouverture totale des frontières, etc.

L’opposition à cette politique nécessite, et nécessitera encore plus, une large alliance sociale pour la contrer. Par leur prise de position, ces organisations paysannes apportent de l’eau au moulin de ceux qui rongent déjà leur sac de blé et qui non seulement refusent un salaire minimum mais s’apprêtent à réduire la part de tous les revenus sauf ceux des actionnaires.

Pour Markus Ritter, président de l’USP venu soutenir les maraîchers, le salaire minimum est contraire à la «sécurité alimentaire», qui fait l’objet de l’initiative populaire lancée par l’USP. Ironiquement, les paysannes et paysans récoltent des signatures pour une initiative dont le facteur «coût de l’approvisionnement» doit être assumé par eux-mêmes – aujourd’hui les ouvriers agricoles et demain par l’ensemble des producteurs! C’est le cul-de-sac dans lequel l’USP met les producteurs suisses en refusant de se mettre dans la perspective de la souveraineté alimentaire qui, elle, pointe le libéralisme qui détruit l’agriculture paysanne, notre environnement.

Par leur position opportuniste et à courte vue, ces organisations paysannes refoulent malheureusement une avancée de la conscience sociale qui a pris forme dans nos campagnes et a, on peut l’espérer, seulement fait bêtement un faux pas! Le salaire minimum comme un franc du litre de lait ou le kilo de carottes aux producteurs serait pourtant un pas qui ferait du bien à ceux qui «labeurent» et ceux qui labourent; cela sera par alliance sociale contre alliance libérale. La liberté passe par l’égalité !

* Paysan à la Ferrière (BE).

Opinions Agora Paul Sautebin

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Votations du 18 mai 2014

mercredi 12 février 2014
Important programme pour ce scrutin. Entre autres, on votera sur le salaire minimum et le Gripen. A Genève, on revotera sur les tarifs TPG.

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