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Des jeunes indigènes se forment pour protéger la sécurité alimentaire

BRÉSIL • Dans le cadre de son programme de renforcement des droits des peuples indigènes en Amazonie brésilienne, Terre des Hommes Suisse et son partenaire le Conseil indigène du Roraima forment des jeunes issus de diverses communautés. Eclairage.  

Parmi les grandes inégalités sociales auxquelles font face les populations autochtones, il y a l’accès à l’éducation. Eloignement des villages, manque d’écoles, de formation et de personnel prêt à s’expatrier dans des zones isolées, matériel scolaire peu adapté à leur réalité, etc. En Amazonie brésilienne, le gouvernement peine à mettre en pratique la reconnaissance officielle de la différenciation culturelle. Rappelons que la citoyenneté des indigènes n’a été reconnue qu’avec la Constitution fédérale de 1988!

Dans l’Etat du Roraima, situé à la frontière nord du Brésil, le Conseil indigène du Roraima (Cir), partenaire de Terre des Hommes Suisse, travaille depuis 1990 avec plusieurs centaines de communautés indigènes dont les Macuxi, Wapichana et Wai-Wai. Le projet cherche à développer des mécanismes de production qui garantissent la sécurité alimentaire, l’autonomie économique des communautés, la gestion de l’environnement et des terres et le respect des traditions et cultures. Pour cela, Cir forme des jeunes issus des communautés et agit également sur le plan politique, local ou international.

Après quarante ans de luttes, la démarcation puis l’homologation en avril 2005 de la terre indigène Raposa Serra do Sol, où se situe le centre de formation, n’a pas signifié la fin des tensions. Envahissement de terres, infrastructures brûlées, menaces: de nombreuses oppositions juridiques ont finalement abouti au jugement en faveur des indigènes en 2009. Mais les exactions sont encore courantes de la part d’individus qui chassent ou pêchent de façon illicite sur ces terres, et les entreprises multinationales et nationales maintiennent une forte pression pour obtenir des autorisations d’extraction de pétrole ou de minerais précieux.

Joenia de Carvalho, du peuple Wapichana, est la coordinatrice du département juridique du Cir. Première avocate indigène brésilienne, elle était invitée à Genève début juillet 2013 à l’occasion de la 6e session du Comité d’experts sur les droits des peuples autochtones à l’ONU. «Le Brésil passe par une période d’intenses manifestations de mouvements sociaux, y compris des peuples indigènes qui défendent leur droit constitutionnel de reconnaissance de leurs terres, droit qui serait mis en péril si la proposition d’amendement PEC215 est approuvée par le Congrès national. (…) Notre terre, notre sécurité, notre paix, le respect pour les droits des indigènes et l’accès à la justice sont en jeu.»

Basé à Surumu, le centre de formation des jeunes fonctionne sur quatre ans. Il accueille une soixantaine d’indigènes âgés de 16 à 25 ans et issus de diverses communautés, pour certaines distantes de plusieurs centaines de kilomètres! Les jeunes suivent des cours théoriques et pratiques en agriculture, élevage et environnement. La première et dernière année, les étudiants sont internes au centre. En 2e et 3e années, le système de l’alternance est de mise: deux mois au centre, deux mois dans leur communauté pour la mise en pratique des connaissances acquises.

Sidney est un Macuxi de la communauté de Maturuka. Il a 21 ans et suit la 3e année au centre de formation. «Au début, il a fallu s’habituer aux horaires, aux règles. Et ma famille me manquait. Mais j’avais des objectifs bien précis et j’ai tenu bon.» Les cours sont intenses, les élèves se réveillent à 6h du matin et alternent activités théoriques et pratiques (élevage de porcs, lapins, poules, pisciculture, jardins potagers, arbres fruitiers, compost, herbes médicinales, agroforesterie, etc.).

Pour Gercimar, enseignant au centre, «les thèmes de la formation sont importants, mais au-delà des connaissances transmises, le centre forme des leaders. Les jeunes sont désignés par toute leur communauté, selon des critères basés sur leur comportement et leur engagement. Ils s’engagent après leur formation à revenir pratiquer dans leur communauté.»

«A l’école, on travaille beaucoup la question des alternatives et la question environnementale, rajoute Sidney, mais ce n’est pas toujours facile d’introduire des nouveautés. Les gens nous écoutent, mais c’est un vrai défi de garder sa culture tout en se développant.» Un développement local qui s’oppose au modèle dominant et prône la diversité des cultures et les produits écologiques.

*Responsable de l’information, Terre des Hommes Suisse. Pour en savoir plus, lire le carnet de route Amazonie brésilienne sur www.terredeshommessuisse.ch/visite-de-terrain-en-amazonie-bresilienne-2013

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