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Fondé sur la capitalisation, le système du 2e pilier est miné

GENÈVE • Un «non» à la fusion des caisses de pension de l’Etat (LCPEG) le 3 mars constitue une première étape vers un système de retraite plus juste, selon Jean-Pierre Fioux.

La loi instituant la caisse de prévoyance de l’Etat de Genève (LCPEG) soumise en votation le 3 mars prochain s’inscrit dans le cadre d’une attaque généralisée aux conditions de retraite du 2e pilier, dans le privé comme dans le public.

Dans le secteur privé, l’organisation patronale suisse demande une nouvelle baisse du taux de conversion pourtant massivement refusée par le peuple en 2010, une hausse de l’âge de la retraite et une augmentation des cotisations. Le conseiller fédéral Berset propose d’uniformiser l’âge de la retraite à 65 ans et envisage d’abaisser le taux de conversion à 5,8%, ce qui entraînerait une baisse massive des retraites (pour un avoir du salarié de 500 000 francs, la rente annuelle passerait de 35 000 francs actuellement à 29 000 francs). Des «experts» prônent enfin l’augmentation de l’âge de la retraite à 68 ans!

Dans le secteur public, les deux lois fédérales votées par la droite en 2010 imposant, en pleine crise financière, une recapitalisation des caisses publiques sont le fer de lance de l’attaque contre les retraites des salariés de la fonction publique. La LCPEG sur laquelle nous allons voter est directement soumise aux contraintes de ces lois fédérales aberrantes.

La première de ces lois fédérales dépossède pratiquement les assurés de tout droit de contrôle sur leur future caisse, donc sur leur argent, car il s’agit de leurs salaires différés. La LCPEG supprime ainsi les statuts de la CIA et de la CEH au profit d’une loi qui peut être «détricotée» en tout temps, soumettant ainsi les conditions de retraite du personnel au rapport de force politique et à toutes les démagogies antifonctionnaires. Le futur comité de la caisse sera encadré par des dispositions contraignantes lui enjoignant d’atteindre les objectifs de recapitalisation irréalistes fixés par les lois fédérales; l’opacité de gestion est garantie avec une réduction drastique de la composition du comité, secret de fonction et menaces de poursuites pénales à la clé.

La deuxième de ces lois oblige toutes les caisses publiques à accumuler toujours plus de capitaux, prétendument pour garantir les rentes, en réalité pour complaire aux banques et aux spéculateurs qui placent cet argent sur les marchés financiers. Toutes les caisses publiques doivent atteindre un taux de 80% de couverture, assorti de 15% de réserve pour fluctuations de valeurs d’ici à 2052 (75%+15% déjà dès 2030)! La droite fédérale a refusé de suivre les experts qui estimaient qu’un taux de 60% était suffisant pour les caisses publiques.

Ces lois poursuivent trois buts:
• casser les systèmes mixtes comportant une part de répartition et de solidarité;
• faire une fleur aux banques confrontées à la crise financière;
• favoriser la privatisation des services publics.

Cela coûtera «les yeux de la tête» aux cantons et aux communes. La droite qui a voté ces lois a beau se plaindre du coût pour les contribuables, elle porte l’entière responsabilité de cette situation. Elle s’efforce néanmoins d’en faire porter au maximum la charge sur les assurés. Les assurés, eux aussi contribuables, seront ainsi frappés deux fois. La LCPEG prévoit à ce jour – car la facture risque encore de s’alourdir – un coût de 6,4 milliards à charge de l’Etat et de plus de 8 milliards à charge des assurés, qui paieront beaucoup plus de cotisations pendant plus longtemps pour recevoir moins de retraite. Alors que, avec le système mixte actuel de la CIA et de la CEH, le coût d’un assainissement se situerait au maximum entre 300 millions et 500 millions pour l’Etat.

Aujourd’hui, le système du 2e pilier fondé sur la capitalisation est miné par la crise du capitalisme et provoque une situation absurde: il exige toujours plus de fonds pour «garantir» toujours moins de retraite. C’est une incroyable pompe à finance pour alimenter un véritable tonneau des danaïdes.

Les fonds du 2e pilier en Suisse ne se montent-ils déjà pas à plus de 700 milliards, soit 120% du PIB suisse?

Face à cette situation, il apparaît nécessaire et raisonnable de dire stop à un système qui nous emmène droit dans le mur.

D’abord en votant «non» à la LCPEG le 3 mars pour obliger l’Etat à renégocier avec les syndicats une répartition de la charge financière moins lourde et plus juste pour les salariés. Ensuite en s’organisant pour remettre en cause un système de 2e pilier aberrant et coûteux basé sur une capitalisation à outrance qui fragilise les caisses au lieu de les sécuriser. Il faut dorénavant travailler à un nouveau système de retraites fondé sur un transfert du 2e pilier vers le 1er pilier AVS basé sur la répartition, qui lui se porte bien. Ce devrait être un objectif pour toutes les forces progressistes de ce pays.
 

*Ancien président du Cartel intersyndical de la fonction publique et du secteur subventionné.

Opinions Agora Jean-Pierre Fioux

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Votations du 3 mars 2013

lundi 11 février 2013

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