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Libre de fumer?

AGORA VOTATIONS • Favorable à la loi interdisant la fumée dans les espaces fermés, Jean Martin, ancien médecin cantonal vaudois, avance des arguments de santé publique.

Le peuple suisse vote le 23 septembre sur un objet lié à la protection des personnes vivant ou travaillant dans des espaces fermés accessibles au public: cafés, restaurants, discothèques notamment. Notez ici que cinq cantons romands (FR, GE, NE, VD et VS) ont en quelque sorte donné l’exemple avec des lois cantonales sur le sujet; le texte fédéral promouvra donc chez nos Confédérés le même degré de mieux-être.
Des milieux cherchent à faire croire qu’on aurait là une interdiction totale de fumer; regrettable qu’on tende ainsi à tromper l’électeur. Ce qui d’ailleurs, de manière regrettable, ne fait que confirmer que certains secteurs de l’économie ne voient (trop souvent) pas d’un bon œil les démarches de promotion de la santé – au motif fallacieux qu’on attenterait à la liberté des gens de faire tout et n’importe quoi (en particulier mettre en danger sa santé).
En passant, un mot sur les constants matraquages publicitaires, y compris sous forme de patronage ou sponsoring, en faveur de produits nuisibles à la santé, en les faisant apparaître comme des sources de plaisir, de prestige ou de bien-être (!).
Personne ne nie que ces campagnes ont l’objectif d’influencer les personnes et leurs comportements. A l’évidence, et de manière appuyée, on veut orienter le consommateur vers certains usages et par là-même on brime sa liberté (dans un sens porteur de sérieuses conséquences négatives). Les liberticides potentiels ne sont pas là où on pense.
Ce que je dois souligner en tant que médecin, c’est que le problème dont traite l’initiative n’a rien d’une «rêverie de réformateur social», mais est bien une préoccupation importante de santé publique. Au début de ma carrière (je ne suis plus jeune), on savait que le tabac tue ses consommateurs (beaucoup –un décès sur huit chez nous est lié à son usage).
Mais on ne savait pas que sont aussi concernés les fumeurs passifs, à savoir celles et ceux qui, sans fumer eux-mêmes, vivent dans une ambiance enfumée par d’autres: leur santé est sérieusement menacée et, en moyenne, leur vie raccourcie.
Les effets délétères sont de manière compréhensible plus marqués chez les enfants. On veut croire que plus aucun parent fumeur ne le fait ailleurs que dans le parc devant la maison ou à la limite sur son balcon. Les enfants sont des fumeurs passifs particulièrement vulnérables.
Logiquement, ces conséquences pathologiques sont encore plus marquées chez les employés d’établissements fermés où ils passent des heures chaque jour. Une recherche récente de l’Institut de santé publique de l’Université de Bâle démontre, dans plusieurs cantons, les effets bénéfiques de la législation déjà en vigueur: le fait de ne plus être exposé (depuis 2010) à la fumée passive correspond chez les travailleurs de la restauration à un «rajeunissement» de l’état de leur coeur de deux à trois ans! Intéressant, non?
Voilà qui, s’ils ont devant les yeux le mieux-être de la population, devrait faire réfléchir ceux parmi les politiques et les responsables de l’économie qui s’opposent à l’initiative de manière idéologique et simpliste. Voter oui est un geste nécessaire de solidarité notamment vis-à-vis de ces travailleurs (hommes ou femmes). Au delà, c’est une question de respect pour le bien-être de son prochain en général.
Protestinfo

* Ancien médecin cantonal vaudois, membre de la Commission nationale d’éthique.

Opinions Agora Jean Martin

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