Édito

Recoudre la déchirure

Seuls les Kosovars et personne d`autre. L`annonce des occupants du temple lausannois de Bellevaux de ne pas accepter – pour l`heure – d`autres personnes menacées de renvoi de Suisse fait mal (lire Le Courrier d`hier). Elle heurte tout esprit humaniste pour qui le droit au refuge dépasse les considérations de nationalité. Pourtant ne voir à travers ce «refus» qu`un simple réflexe égoÏste pour ne pas dire plus serait une erreur.

Le choix actuel des occupants de Bellevaux – ou plutôt la non-décision tant il est vrai qu`ils ne se sont pas formellement prononcés pour ou contre l`accueil de la famille kurde qui a frappé à leur porte – traduit d`abord une forme de désarroi. Désarroi de voir qu`après presque trois mois d`occupation du temple et une année de lutte les autorités fédérales et cantonales refusent de considérer les revendications des 157 Kosovars dans leur globalité. Imaginons quelle serait la réaction de ces mêmes autorités qui raisonnent davantage en termes administratifs qu`humanitaires si le mouvement soudainement prenait une nouvelle ampleur.

De même pris isolément le mouvement de soutien aux Kosovars «En quatre ans on prend racine» possède une certaine cohérence. D`un point de vue politique d`abord: il a réussi à porter sa revendication sur le devant de la scène et à montrer l`absurdité de la politique d`accueil helvétique. D`un point de vue stratégique ensuite: les membres du mouvement ont peut-être raison d`affirmer qu`en restant seuls ils ont les meilleures chances de voir leurs revendications aboutir.

Ainsi pris entre le principe absolu du droit d`asile et la nécessité d`aboutir à un résultat l`esprit humaniste ressent un profond déchirement. L`idéal serait donc de pouvoir lier les deux. Esprit rêveur? Peut-être mais pas certain.

Le cas de Bellevaux et celui plus large de l`église Saint-Paul à Fribourg sont certes des appels du pied aux autorités de ce pays. Mais c`est également un appel au secours et à la solidarité adressé à l`ensemble de la population. Le soutien des sans-papiers n`est pas que l`affaire de quelques militants de base. Nous ne pouvons plus ignorer la réalité et l`angoisse que vivent ces milliers d`étrangers en Suisse. Il importe de prendre conscience que les occupations de Bellevaux et de Saint-Paul doivent s`insérer dans un mouvement plus vaste et fédérateur. En ce sens le rôle de la classe politique – malheureusement discrète jusqu`à présent – s`avère fondamental. Désormais les politiciens pour qui la réussite d`un pays ne se mesure pas à sa seule aune économique doivent agir et crier leur indignation face à ceux qui après de nombreuses années passées en Suisse risquent le renvoi. Et réclamer la régularisation de tous les sans-papiers. C`est le seul moyen de recoudre la déchirure de Bellevaux.

Opinions Édito Marco Gregori

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