Les militaires qui ont tenté de prendre le pouvoir ce dimanche 7 décembre au Bénin ont vu leur quartier général être bombardé par leur voisin le Nigeria, au nom de la Communauté économique des Etats d’Afrique (Cedeao), appelée au secours par le président béninois Patrice Talon. Un contingent de soldats ouest-africains devrait également être rapidement déployé pour garantir la sécurité du pouvoir en place. Il s’agit là d’une grande première dans l’histoire récente de l’Afrique de l’Ouest, où les coups d’Etat s’enchaînent. Le dernier en date, survenu le 26 novembre dernier en Guinée Bissau, n’avait de loin pas suscité une telle réaction. Est-ce à dire que, désormais, les soldats qui feront mine de vouloir s’emparer du pouvoir dans la région seront bombardés?
La Cedeao a bel et bien le mandat de garantir la paix et la stabilité en Afrique de l’Ouest. Mais elle n’avait plus utilisé la force à l’encontre de l’un de ses pays membres depuis 2017. Elle avait en effet envoyé en Gambie une force armée pour déloger le président sortant Yahya Jammeh qui refusait de quitter le pouvoir après avoir perdu les élections. Lors du coup d’Etat survenu au Niger en juillet 2023, l’organisation intergouvernementale avait imposé des sanctions économiques et politiques particulièrement sévères à l’encontre des nouveaux maîtres de Niamey, menaçant d’intervenir militairement. Avant d’y renoncer, au risque de perdre toute crédibilité. Cela n’a pas empêché le Mali, le Burkina Faso et le Niger de quitter la Cedeao, réduite à douze membres, pour s’unir au sein d’une Alliance des Etats du Sahel (AES), résolument anti-française et anti-occidentale.
Ces trois pays accusent la Cedeao d’être manipulée par la France, qui en tirerait les ficelles au gré de ses intérêts. Le rôle joué par Paris pour neutraliser la récente tentative de coup d’Etat au Bénin, tel que relaté dans les colonnes du journal Jeune Afrique, risque de leur donner raison. Dans un article du 8 décembre intitulé «Tentative de coup d’Etat au Bénin: ce que l’on sait du rôle de la France», l’hebdomadaire décrit en effet par le menu le coup de fil entre les deux présidents, par ailleurs très proches, au cours duquel Emmanuel Macron a affirmé à Patrice Talon avoir «prépositionné à Cotonou des membres des forces spéciales de l’armée française» prêtes à voler à son secours. Il aurait ensuite appelé personnellement le président nigérian Bola Tinubu pour l’encourager à répondre positivement à l’appel à l’aide de Patrice Talon. Tandis que les services de renseignements français transmettaient des renseignements aussi bien aux forces de défense béninoises qu’à l’armée de l’air nigériane, pour les guider dans leur bombardement du quartier général de la Garde républicaine où des mutins s’étaient réfugiés. Enfin, comme Jeune Afrique a pu le constater sur le site spécialisé Flightradar, un avion de surveillance français a survolé à plusieurs reprises Cotonou durant la journée du dimanche 7 décembre, pendant la tentative de coup d’Etat.
Sur les réseaux sociaux, les internautes se déchaînent. «Heureusement que Patrice Talon a pu appeler papa Macron», raille ainsi Kemi Seba, influenceur résolument anti-français, qui s’était réjoui un peu trop tôt du renversement du président béninois, qu’il accuse de pouvoir autoritaire. Après que la France et ses soldats ont été chassés de la plupart de ses ex-colonies, le président béninois, avec le président ivoirien Alassane Ouattara, figure parmi les derniers alliés de Paris dans la région. Pas question donc de le laisser tomber, même si le rôle joué par la France ce dimanche au Bénin risque à nouveau de se retourner contre elle.
Catherine Morand est journaliste.