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La formation à l’activisme

L'actualité au prisme de la philosophie

Depuis quelques années se multiplient sur Internet des documents accessibles en ligne qui proposent aux citoyens et aux citoyennes des méthodologies de formation à l’activisme. Ces documents émanent souvent d’ONG.

Activisme et action directe.

Nous appelons «activisme» un ensemble de pratiques qui suppose la mise en œuvre de l’action directe. On peut également qualifier ces pratiques de formes de participation politique non conventionnelle. Elles sont déployées en dehors des institutions de la démocratie représentative ou des pratiques démocratiques institutionnelles.

Pour autant, ces pratiques ne sont pas nécessairement illégales. On peut distinguer les pratiques d’action directe légales des pratiques illégales. Au sein des pratiques illégales, on caractérise habituellement la désobéissance civile non-­violente et les pratiques considérées comme relevant juridiquement du vandalisme (telles que le sabotage, les dégradations de vitrines…).

Les campagnes citoyennes.

La campagne citoyenne peut être considérée comme la forme la moins impliquante de mobilisation citoyenne. Elle doit être distinguée du «plaidoyer», avec lequel elle est parfois confondue. Il est préférable, pour plus de clarté, de réserver la notion de plaidoyer à des pratiques qui relèvent du lobbyisme. En effet, un certain nombre de spécialistes considèrent que le plaidoyer est la forme que prend le lobbyisme quand il est mené par des professionnel·les d’ONG ou d’associations caritatives.

La campagne citoyenne consiste le plus souvent à soutenir une cause en signant une pétition. Cette pratique s’est développée sur Internet avec des sites tels que Change.org. Mais, antérieurement déjà, une ONG comme Amnesty International utilisait traditionnellement ce mode d’action par le biais, par exemple, de campagnes de lettres pour soutenir des prisonnier·ères politiques. La campagne citoyenne vise à mobiliser l’opinion publique.

L’action directe légale.

Le syndicalisme révolutionnaire, influencé par le mouvement anarchiste, a été à l’origine du développement de l’action directe. Au départ, pour les syndicalistes, l’action directe désigne quatre formes d’action: la grève, le sabotage, le boycott et le label syndical. L’action directe syndicaliste peut être illégale (par exemple, le sabotage) ou légale (par exemple, la grève).

Le syndicalisme se concentre sur les conflits au travail, avec la grève comme moyen de pression le plus emblématique. Une autre forme de mobilisation importante, relevant de la catégorie des actions directes légales, est la manifestation. Que ce soit la grève ou la manifestation, elles sont désormais reconnues comme relevant de droits fondamentaux dans les régimes qui se présentent comme démocratiques.

Le syndicalisme a eu une influence, via les IWW (Industrial Workers of the World/Travailleurs industriels du monde), sur le «community organizing» développé aux Etats-Unis par Saul Alinsky. Cette approche se présente plutôt comme une forme de syndicalisme de quartier.

La désobéissance civile non-violente.

Cette pratique est associée à des figures célèbres telles que David Henry Thoreau, Gandhi ou encore Martin Luther King. L’un des auteurs qui a développé au niveau international les travaux les plus importants sur le sujet est le politologue Gene Sharp. Sa contribution majeure a été de montrer que la désobéissance civile non-violente serait efficace également contre les dictatures.

L’action de désobéissance civile non-violente peut être divisée en deux types d’orientation. La première est celle des groupes affinitaires, comme Earth First! [la Terre d’abord!, une organisation radicale écologiste étasunienne fondée en 1980], ou des professionnel·les d’ONG, comme Greenpeace. Ces formes de désobéissance non-violente mettent l’accent sur le secret de l’action et donc la sécurité.

Il existe néanmoins d’autres formes de désobéissance civile non-violente qui s’inscrivent davantage dans la tradition de l’action directe de masse, dans la continuité de Gandhi ou de Martin Luther King. C’est cette orientation qu’a suivi, par exemple, Extinction Rebellion.

Le sabotage et les black blocs.

Le sabotage a connu ces dernières années un regain d’intérêt dans les milieux écologistes dans sillage du militant et géographe Andréas Malm, auteur de Comment saboter un pipeline (2020), et des Soulèvements de la Terre (qui préfèrent néanmoins parler de «désarmement»).

Que ce soit le sabotage ou les groupes affinitaires organisés en black bloc, cela a provoqué un débat entre les tenants de la désobéissance civile non-violente et celles et ceux qui admettent le recours à la violence. L’activiste et philosophe Peter Gerderloos, dans son ouvrage L’Echec de la non-violence (2019), se montre plutôt favorable à la diversité des tactiques. Il s’agit d’une approche qui s’est développée en particulier à partir du mouvement altermondialiste, et qui peut voir se côtoyer aussi bien des activistes adeptes de la non-violence que des black blocs.

 

Irène Pereira est sociologue et philosophe, cofondatrice de l’IRESMO, Paris.

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