Quelle attitude peuvent adopter les fonctionnaires face à l’extrême-droite? Le cas français.
L’extrême-droite comme projet discriminatoire. Il est important de comprendre en quoi l’extrême droite constitue une rupture avec les principes républicains et démocratiques. En cela, les partis d’extrême-droite ne sont pas l’équivalent des partis d’extrême gauche.
Les partis que l’on peut classer à l’extrême gauche sont des partis qui veulent rompre avec le système capitaliste et la démocratie représentative par une révolution visant la socialisation des moyens de production. Ce sont donc des partis qui impliquent une rupture avec le système politique de la démocratie libérale. Il s’agit en général de partis d’orientation marxiste. Ces derniers ne doivent pas être confondus sur ce plan avec la gauche radicale, plutôt antilibérale, qui cherche à changer les institutions, mais qui se situe dans la continuité de la légalité républicaine, comme c’est le cas en France de LFI.
L’extrême droite se distingue de l’extrême gauche, et des autres forces politiques de droite ou de gauche, par son projet discriminatoire. Il est très important d’en finir avec le discours selon lequel on ne sait pas exactement ce qu’est l’extrême droite, ou avec l’idée qu’il n’y aurait plus d’extrême droite aujourd’hui, si ce n’est certains groupuscules néonazis.
L’extrême droite se caractérise par le fait qu’elle a pour projet de remettre en cause des droits acquis par une minorité. Il peut s’agir, par exemple, des droits des personnes LGBT+, ou des immigré·es comme c’est le cas avec la «préférence nationale». Le projet de l’extrême droite suppose, pour être mis en place, de remettre en question des principes juridiques en lien avec la non-discrimination.
Le principe de non-discrimination au cœur de la fonction publique. Il arrive qu’en France, les professionnel·les de la fonction publique ou du secteur associatif, souvent subventionné par le secteur public, mettent en avant un principe de neutralité qui les empêcheraient de prendre position contre l’extrême droite. Il est vrai qu’il existe un principe de neutralité politique de la fonction publique française. Cela implique d’être neutre par rapport aux partis politiques, par exemple, en n’indiquant pas pour qui l’on vote ou quel parti l’on soutient.
Cependant, plusieurs textes officiels soulignent également l’importance de la lutte contre les discriminations. Cela apparaît ainsi dans le référentiel de compétences des personnels de l’Education nationale: «Savoir transmettre et faire partager les principes de la vie démocratique ainsi que les valeurs de la République: la liberté, l’égalité, la fraternité; la laïcité; le refus de toutes les discriminations.» En ce qui concerne l’enseignement supérieur et la recherche, il est écrit dans le Code de l’éducation: «Le service public de l’enseignement supérieur contribue: […] A la lutte contre les discriminations, à la réduction des inégalités sociales ou culturelles et à la réalisation de l’égalité entre les hommes et les femmes» (art. L.123-2). Quant au secteur associatif, il est soumis en France au Contrat d’engagement républicain, dont le 4e point porte sur l’engagement contre les discriminations.
De manière générale, la lutte contre les discriminations constitue un engagement de la fonction publique française, «chargée d’incarner, défendre et promouvoir les valeurs de la République, [et qui] se doit à ce titre d’être exemplaire en matière de prévention des discriminations et de promotion de la diversité». La lutte contre les discriminations a une valeur constitutionnelle. Elle est inscrite dans la loi, en particulier celle de 2008 qui transpose une directive européenne en droit français. Plus généralement, le principe de non-discrimination découle de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, en particulier de son article premier: «Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits». Cette déclaration, écrite au sortir de la Seconde Guerre mondiale, se veut une prise de position contre les mouvements politiques d’extrême droite et leur projet discriminatoire.
Le rôle spécifique du secteur de l’enseignement et de l’éducation populaire. De ce fait, il y a certes une neutralité politique de la fonction publique française, mais elle s’accompagne d’un nécessaire engagement des fonctionnaires dans la lutte contre les discriminations. Ce qui veut dire qu’il y a un rôle, en particulier du secteur de l’enseignement et de l’éducation populaire, à promouvoir la lutte contre les discriminations et à déconstruire les projets des mouvements politiques discriminatoires.
Cette mission est d’autant plus importante pour garantir les principes de base de la République et de la démocratie, à savoir le respect du principe juridique de non-discrimination, qu’à côté de cela, des grands médias privés peuvent diffuser des discours promouvant le projet discriminatoire de l’extrême droite.