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Une rhétorique simplificatrice

Fernando Carvajal Sánchez réagit à un récent article.
Politique

L’article de Yassin Ciyow «Libertés au placard» (jeudi 22 mai 2025) est accompagné d’une photo d’Ibrahim Traoré et de Vladimir Poutine, suivie de cette indication: «La coupure radicale avec la France de la part du Mali, du Burkina Faso, de la Guinée et du Niger ont poussé nombre de leurs régimes vers la Russie.».

Le titre et cette formule laissent entendre que la France incarnerait les libertés, tandis que la Russie en serait le contraire. Or, le Gabon, seul pays d’Afrique subsaharienne centrale à maintenir une coopération militaire avec la France, connaît lui aussi depuis un coup d’Etat en 2023 une situation politique comparable à celle des pays ayant rompu avec Paris: pouvoir militaire, rétrécissement de l’espace civique et absence de réel pluralisme démocratique. La différence majeure réside dans un contexte sécuritaire moins tendu au Gabon, relativement épargné par l’insécurité djihadiste.

Ainsi, associer systématiquement la France aux libertés relève davantage du slogan que d’une analyse fondée sur les faits historiques ou actuels. L’opposition implicite entre une France supposément garante des libertés et une Russie qui les mettrait «au placard» s’inscrit dans une rhétorique simplificatrice, alimentant une russophobie largement répandue en Occident. Cette vision érige la Russie en figure du «mal absolu», menaçant une Europe pacifique, et contribue à légitimer l’augmentation des dépenses militaires au détriment d’investissements dans le social, l’éducation, la santé ou la solidarité.

Certes, cette grille de lecture est fréquente dans les médias occidentaux, mais j’ose espérer que Le Courrier saura adopter une approche plus nuancée, loin des dichotomies simplistes.

Fernando Carvajal Sánchez (PhD),
Université de Genève, chargé d’enseignement, SSED