Dans sa chronique «A livre ouvert», Alexandre Chollier attire notre attention sur un nouvel ouvrage sur l’impitoyable Internet («Ouvrir grand nos yeux», Le Courrier du 22 mai). L’auteur regrette le fait que «tant de gens soient disposés à s’enfermer de leur plein gré dans des cagibis numériques suffocants», et l’existence d’un «catalyseur du rabaissement, provoquant un effacement humiliant de tout geste individuel d’affirmation de soi». Il faudrait «retrouver la pleine et entière maîtrise de son attention».
Retrouver? D’accord, pour les adultes d’un certain âge qui ont déjà connu la maîtrise de leur attention. Mais pour les générations qui ont grandi devant l’écran? Elles n’ont rien à retrouver, car elles n’en ont jamais été maîtres. Et la génération de mes petits-enfants risque de les suivre, surtout si on leur donne un smartphone.
Personne ne se souvient d’une enfance passée sur un smartphone. Après quatorze ans d’expérience, les conséquences dévastatrices d’une exposition en bas âge à ce type d’écran sont bien documentées. Le cerveau toujours en train de se développer, et la personnalité émergente et malléable, sont déformés par les pressions de groupe et n’arrivent jamais à l’autonomie. Sans parler de l’exposition aux réels dangers du cyberespace.
Nos filles et nos garçons en souffrent, et une majorité, selon un récent sondage britannique, préférerait même un monde sans Internet! La solution est pourtant simple: attendre pour donner un smartphone à nos enfants, et surveiller de près leur usage des autres écrans.
Sept parents sur 10 souhaiteraient ne pas donner, ou attendre pour donner, un smartphone – mais seuls 3 sur 10 y réussissent. Simple, donc, mais pas facile, surtout quand on craint que notre enfant se retrouve seul dans sa classe à ne pas en avoir un.
Or, le mouvement global Enfance sans smartphone (http://smartphonefreiekindheit.ch) existe justement pour faciliter un soutien réciproque entre parents qui veulent protéger leurs enfants des puissants algorithmes capteurs d’attention. L’idée est de se mettre d’accord, dans un «pacte parental» avec d’autres parents, pour attendre un certain âge (par exemple 14 ans) avant de donner un smartphone. A Monaco, au mois de mars, 341 parents ont signé un accord «Enfance Sans Smartphone».
Ensemble, donnons des super pouvoirs à nos enfants! Du temps pour jouer, lire, découvrir le monde avec les copains; de la liberté, loin des pressions des réseaux sociaux; de vraies compétences sociale; une meilleure santé mentale; de meilleures notes à travers un apprentissage sans distraction. Vive la vie!
Nigel Lindup,
Versoix (GE)