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La logique de Highlander

L'éditeur de TX Group, Pietro Supino, lors du Forum des médias de ce jeudi 15 mai. KEYSTONE
Médias

La fin d’une distorsion de concurrence? Voire. Schweizer Medien, la faîtière des éditeurs de journaux alémaniques, a présenté jeudi un accord qui met fin à un différend l’opposant à la Société suisse de radiodiffusion (SSR). Les sites internet du groupe (la RTS et la SRF, principalement) réduiront leur offre écrite. En échange, les grands groupes alémaniques s’engagent à combattre l’initiative de l’UDC visant à réduire la redevance à 200 francs par an contre 335 actuellement et sur laquelle le peuple devrait voter l’an prochain.

Aujourd’hui, les dépêches et articles rédigés par des journalistes du service public suisse (SSR) participent à l’assèchement des ressources des journaux. Ils s’intègrent dans l’offre dite gratuite, bien que financés par l’impôt obligatoire qu’est la redevance. L’accord signé jeudi clarifie la situation: les sites internet du groupe se limiteront à des articles courts et renverront davantage vers la presse privée, et certains de leurs contenus seront mis à disposition des éditeurs privés.

Mais du point de vue de la guerre industrielle qui fait rage dans ce domaine, on est loin de la paix des braves. TX Group, le plus grand des éditeurs suisses, n’est pas partie prenante de l’accord. Ceci sans doute en raison d’intérêts commerciaux divergents1>Ces intérêts larvés et souterrains avaient été exposés dans une longue enquête de la Wochenzeitung en décembre 2021 publiée juste avant le vote de la loi sur l’aide aux médias. «Die grosse Medienschlacht». Il contrôle en effet la régie publicitaire Goldbach, qui dispose d’un monopole de fait des fenêtres publicitaires des chaînes TV étrangères sur sol suisse. Un affaiblissement du service public servirait ses intérêts. Inversement, Ringier, son rival, signataire de l’accord, est lié à la SSR via l’agence publicitaire Admeira.

Hier, Pietro Supino, le patron de TX Group, s’est d’ailleurs offert une libre opinion de deux pages dans ses titres où il annonce son ralliement à l’initiative de l’UDC et des jeunes libéraux-radicaux qui veut mettre la SSR au régime du pain sec et de l’eau. Une prise de position d’une belle hypocrisie, où l’aide aux médias est vilipendée à coup de pompeuses citations sur la liberté de la presse. Un peu gros quand on voit à quel point les titres du groupe ont été réduits à leur portion congrue, notamment en Suisse romande avec la quasi-fusion de 24 heures et de la Tribune de Genève.

Cela obéit sans doute à la logique dite de Highlander – il n’en restera qu’un, et j’espère que cela sera moi –, bien éloignée de la défense du principe démocratique du droit de savoir.

Cette logique marchande et cynique doit être combattue. Le Courrier, qui a aussi ses intérêts à défendre, s’y emploiera. Que nos lectrices et nos lecteurs en soient assuré·es.

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