Le géant médiatique suisse TX Group a tiré la prise de la version papier de 20 minutes, vingt ans après le lancement du gratuit. Rideau pour ces journaux, diffusés au niveau suisse dans les trois langues. La publication sera désormais présente uniquement de manière électronique.
Plus assez rentable, sans doute, même si le titre était bénéficiaire selon la société des rédacteurs du journal. C’est que la holding zurichoise a les yeux rivés sur le tableau excel de ses bénéfices. Et ceux-là sont priés d’être conséquents. Le reste ne compte guère. Quelque 80 postes équivalents plein temps seront supprimés. Soit une centaine de personnes touchées, si on tient compte des temps partiels.
En Suisse romande, où la saignée devrait proportionnellement être plus importante, les syndicats tablent sur 30 suppressions de postes, soit la moitié des effectifs de 20 minutes! Une perte qui s’inscrit dans une érosion globale de la profession. Au niveau national, on est passé sous la barre des 10 000 journalistes. Cela signifie un appauvrissement de la diversité de l’information.
Deuxième volet de l’annonce de TX Group: les sites internet qui poursuivront le travail de la «marque» seront pilotés depuis Zurich. Là aussi, il est aisé de prévoir un délitement des identités régionales. Le Roestigraben est aussi une réalité culturelle. Pour prendre un seul exemple, la crise du Proche-Orient n’est pas perçue de la même manière en terres romandes ou alémaniques, davantage sous l’influence allemande. Le sort des Gazaoui·es n’a guère ému outre-Sarine… Les baillis qui seront chargés de gérer le site romand risquent bien de devoir filer droit s’ils entendent rester en place.
Cerise sur le gâteau: le communiqué de TX Group annonce des investissements dans l’IA (intelligence artificielle). Gageons donc que les futures pages du site de 20 minutes seront largement alimentées par des robots. Là aussi, c’est une perte sèche pour la diversité et la qualité de l’information. Au-delà de la dimension choquante de la démarche – on remplace des humains par des machines –, le côté nivellateur et uniformisant de ces outils est évident. Ces logiciels enferment les utilisateurs et utilisatrices dans des bulles, font la promotion frénétique des idéologies dominantes et flattent les plus bas instincts pour conserver captif le plus grand temps de cerveau disponible possible. Inquiétant, à l’heure du retour des idéologies antidémocratiques qui ont mis le monde à feu et à sang il y a à peine quatre-vingts ans.
Un défi pour les démocraties. Et qui place les autorités devant leurs responsabilités. Mais force est de constater que, pour l’heure, la question des médias reste largement un angle mort des politiques publiques.