«La Suisse doit s’engager clairement en faveur des droit humains.» La recommandation d’Amnesty International sonne comme un coup de semonce. Une entaille dans la réputation d’un pays beaucoup moins exemplaire qu’il ne le claironne. Le chapitre consacré à la petite Helvétie, dans le rapport 2024 de l’ONG de défense des droits humains, illustre une année particulièrement sombre.
Une année qui aura vu le conseiller fédéral Ignazio Cassis – chargé des Affaires étrangères – venir célébrer au bout du lac les 75 ans des Conventions de Genève, alors même que ces garanties de protection des populations civiles en temps de guerre étaient foulées aux pieds un peu partout. A commencer par Gaza, tombeau des droits humains creusé quotidiennement au grand jour. Rappelons que la Suisse a failli supprimer ses fonds alloués à l’Unrwa, agence sans laquelle le sort de la population de Gaza serait encore plus dramatique qu’il ne l’est.
C’est dans ce contexte que le rapport d’Amnesty pointe une tendance inquiétante à restreindre le droit de manifester. Pour des motifs qui vont de la sécurité publique à la tranquillité des commerçants, en passant par le maintien du «vivre ensemble» dans les universités ou la fluidité du trafic routier, c’est un droit fondamental qui est trop souvent corseté – sans compter le recours excessif à la force. La campagne mondiale «Protect the Protest» d’Amnesty avait déjà relevé, à propos de la Suisse, la multiplication des obstacles administratifs, émoluments et interdictions de périmètre.
Le signal envoyé par les pouvoirs publics est particulièrement préoccupant quand, à Lausanne, le municipal chargé de la Sécurité accrédite sans éléments concrets la thèse de la menace d’une synagogue par une manifestation de soutien à Gaza. Ou lorsque, à Zurich, le journaliste palestino-étasunien Ali Abunimah est arrêté et expulsé sur la base d’accusations diffamatoires, là encore non étayées.
C’est également la persistance de mauvais traitements – notamment sur mineurs – dans les centres fédéraux d’asile, ou le refus de se conformer à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme en faveur des Aînées pour le climat, qui «affaiblissent la tradition humanitaire de la Suisse et interrogent son engagement en faveur du droit international», écrit Amnesty.
Un constat à prendre très au sérieux, dans le contexte global de dégradation des normes et de la coopération multilatérale. Le monde va mal. S’en prendre aux messagers ne contribuera pas à l’améliorer.