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Biologie et liberté

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Etre libre, c’est pouvoir choisir ses pensées et ses actes. Ce qui suppose d’abord d’avoir plusieurs options possibles et ensuite de pouvoir choisir entre elles. Chez les animaux qui abandonnent leurs œufs ou leurs larves à la naissance, le jeune est libre de ses actes, mais ses choix sont limités et inconscients. Les jeunes tortues marines, par exemple, par réflexe, choisissent de s’orienter vers la mer ou, parfois, de nuit, vers la lumière de la lune, selon les espèces. Ce qui, selon les lieux et les circonstances, peut être un bon ou un mauvais choix. Le hasard et la sélection naturelle laissent très peu de survivantes parmi les nombreux œufs pondus.

Chez les oiseaux et mammifères, qui élèvent leurs jeunes, ces derniers sont très dépendants et vivent dans un milieu souvent uniforme, ce qui limite leurs choix possibles tant qu’ils n’ont pas conquis leur indépendance. La liberté n’est pas à l’ordre du jour! Les jeunes doivent apprendre à se nourrir, à se protéger, du froid, du soleil excessif et des prédateurs. Le hasard et la sélection naturelle, encore eux, sanctionnent qui ne sait pas. Chez les humain·es, né·es très incompétent·es et doté·es de peu de réflexes innés, l’apprentissage commence par des comportements de survie, très variables selon les sociétés et les éducateurs. Les cultures imposent des choix arbitraires, variables d’une société à l’autre, d’une famille à l’autre, d’un individu à l’autre. Les «instincts de survie» doivent être complétés ou remplacés par des comportements appris chez les espèces qui naissent incompétentes, comme nous! Ces apprentissages offrent, pour la plupart, plusieurs façons de résoudre le même problème, plus ou moins adaptées aux divers milieux possibles. C’est ainsi qu’apparaissent, chez les orques, les primates, et sans doute beaucoup d’autres, des «proto-cultures» concernant les régimes alimentaires, le recueil de la nourriture, la prédation ou les réponses aux agressions humaines. Quand la sélection de nombreux caractères appris différencie deux populations de la même espèce, comme chez les chimpanzés, il n’est pas abusif de parler de cultures différentes.

Dans l’espèce humaine, le langage, qui articule des signes pour faire des mots, et les mots articulés pour créer des sens, génère une infinité de possibilités culturelles, dont le hasard et la sélection naturelle ont retenu les milliers de variantes parvenues jusqu’à nous. Des cultures qui diffèrent par les milieux peuplés, les langues parlées, les modes de vie et les représentations du monde.

Peut-on parler de liberté quand on fait l’objet de conditionnements multiples et arbitraires dès la naissance?

Dans la plupart des sociétés, les religions imposent des comportements rituels et alimentaires, des mutilations ou des parures du corps, des histoires du monde imaginaires et incompatibles d’un peuple à l’autre. Les conditionnements précoces, en particulier religieux, créent des réflexes d’appartenance intransigeants, le plus souvent définitifs, qui rendent la plupart gens incapables de remettre en cause ce qui leur a été imposé par les familles, les scolarités, les Etats, les armées, les propagandes médiatiques ou même les clubs sportifs!

La plupart des cultures prétendent détenir des vérités absolues définitives, d’origine surnaturelle, liées à des mythes invérifiables ou faux, fabriqués par leurs fondateurs. Dans un tel cadre, la première des libertés – choisir sa culture dans ou hors les cadres prescrits – disparaît, et sera suivie de bien d’autres.

Ainsi, la liberté n’est pas, chez nous, une donnée innée. Elle doit être construite par une éducation qui incite à la rechercher plutôt que d’adhérer à des vérités absolues. Elle ne peut être que laïque et tolérante aux convictions personnelles, mais hostile à tous les prosélytismes et manipulations d’opinion. Un vieux projet issu des Lumières, mais qui a rarement réussi et se porte mal quand des technologies dangereuses sont mises au service des pires idéologies et propagandes…

*Chroniqueur énervant.

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