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Société dans l’impasse?

Extinction Rébellion Genève réagit à un récent article paru dans nos colonnes qui dressait un bilan des cinq années d’existence et d’action climatique du mouvement XR en Suisse.
Précisions 

Curieux cadrage que celui adopté par Le Courrier dans son article «Rébellion dans l’impasse» du vendredi 20 septembre (repris de La Liberté). Prétendant faire «le bilan de cinq ans d’action», il donne l’image d’un militantisme climatique s’enfonçant dans la désolation après un misérable échec à convaincre la population de changer de cap.

Plusieurs points sont problématiques dans le tableau qui est peint. Soulignons d’abord qu’après avoir titré sur «la Rébellion», l’article se concentre sur un petit évènement commémoratif organisé par le groupe du «Procès des 200» à Lausanne. S’agissant d’un bilan, il faudrait dire que XR a essaimé. Que ce soit dans les groupes encore bien vivants (XR-Genève, XR-familles, Doctors for XR, Scientist Rebellion…), les groupes de solidarité qui continuent de se mobiliser autour des procès (ceux-ci ont, comme le rappelle très justement Le Courrier, reçu l’attention des instances onusiennes et bientôt de la Cour européenne des droits de l’homme), ou encore les multiples collectifs et groupements qui ont pu s’appuyer sur les réseaux et les outils fournis par XR.

L’objectif du mouvement à l’origine, rappelons-le, était justement de créer un élan de mobilisation en faveur du climat, tout en imposant le sujet à l’agenda politique. De ce point de vue-là, en Suisse comme en Europe, force est de reconnaître que c’est un succès. Des groupes largement composés de personnes novices dans leur engagement politique se sont créés à travers le globe, particulièrement dans bon nombre de villes suisses, générant des engagements pour le climat de la part de gouvernements à toutes les échelles. Entre le Covid (autre élément factuel absent de l’article) et la repression1>On parle d’inculpations pour contrainte – un délit qui entraîne une inscription au casier judiciaire – pour une simple participation à des manifestations non autorisées de quelques heures. Or contrairement à Londres, il n’a jamais été question en Suisse d’occuper durablement des voies de circulation en installant des infrastructures., l’engagement a changé de forme et de nom; il est donc impossible d’en déterminer exactement l’impact, mais il semble clair que sans XR et les autres mouvements climat, notre société serait encore largement inconsciente des dangers posés par le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité.

Ensuite, en attribuant à XR les «golfs saccagés» (Grondement des Terres) et les «tableaux souillés» (Act Now) qui auraient mis en difficulté les Vert·es, – «difficultés» d’ailleurs contestables puisque si le score des Vert·es en 2023 a été certes moins grandiose que celui de 2019, il reste historiquement leur deuxième meilleur résultat – Le Courrier invisibilise la diversité des mouvements qui se mobilisent pour un avenir vivable sur cette planète. Cet amalgame invisibilise aussi l’autre extrémité du spectre d’action, celui des collectifs qui «jou[ent] le jeu». Surtout, l’article s’abstient de toute analyse factuelle de l’impact de ces différents modes d’action et se garde – comme la plupart des critiques sur le sujet – de présenter des solutions nouvelles au-delà de ce qui se tente depuis des décennies.

Les mouvements pour le climat se sont mobilisés et se mobilisent encore de diverses façons pour tenter d’infléchir le cap de notre société dont il est démontré qu’il est intenable (ce qui devient de plus en plus visible au quotidien). XR Genève est par exemple l’une des branches encore bien vivantes d’Extinction Rébellion en Suisse (et contrairement à l’image qu’on en a, on ne fait pas tellement de blocages de routes).2>En octobre 2023, cinq pistes cyclables non officielles, plus vraies que nature, ont vu le jour et des stands d’information, free-shop de vêtements, conférences humoristiques dans les trams genevois, etc. se sont multipliés durant l’année. La tâche n’est pas simple, c’est certain. Mais si la Suisse est toujours autant en retard sur sa politique climatique malgré tout ce qui a été tenté, ne faudrait-il pas plutôt dire que c’est la société qui est dans l’impasse?

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