Édito

La démocratie n’est pas à vendre

La démocratie n’est pas à vendre
KEYSTONE / IMAGE D'ILLUSTRATION
Votations

Le lancement de référendums ou d’initiatives en ayant recours à des entreprises payées à la signature est à nouveau pointé du doigt. Une enquête de journalistes de Tamedia indique que, dans certains cas, des listes de signatures bidouillées par ces officines ont permis de faire aboutir des textes qui n’auraient autrement pas passé la rampe.

On peut arguer que, dans tous les cas, c’est le peuple qui, in fine, a eu le dernier mot. Reste que ces méthodes instillent le doute quant à la solidité de notre système de démocratie semi-directe. Il y a donc un dommage infligé à un des fondements des institutions politiques suisses. Une plainte pénale ayant été déposée, espérons que l’enquête permettra d’éclairer les méthodes utilisées qui ont consisté, notamment, à recopier sans vergogne des signatures d’autres initiatives pour faire nombre…

Au-delà du délit présumé, on peut se poser la question, encore une fois, de la légitimité de ces campagnes de récolte de signatures contre rémunération. Elles posent en effet plusieurs problèmes. Tout d’abord, il s’agit d’une prime à l’argent, les groupements ou partis disposant de moyens pouvant lancer des textes sans base militante digne de ce nom.

Ensuite, cette récolte est réalisée par des personnes précaires et exploitées. Elles sont payées à la signature et racontent souvent n’importe quelle faribole pour arracher un paraphe. Quitte à mentir, en prétendant vouloir défendre le contraire de ce que veut le texte. ­Le Courrier a évoqué ce biais à plusieurs reprises – un texte anti-avortement était présenté comme un texte étendant les droits des femmes, ou une initiative homophobe comme pro-gays.

Enfin, on relève que cette marchandisation de la démocratie est à double tranchant. La récolte de signatures constitue une première étape dans la cristallisation des opinions politiques, puisque c’est à ce stade que commence une campagne pour faire passer un nouveau projet ou pour combattre une loi. En la monétisant, les marchands du temple démocratique sapent les chances du projet qu’ils prétendent défendre.

Ces méthodes étaient sévèrement encadrées il n’y a pas si longtemps. Les abus relevés par cette affaire plaident pour qu’on mette fin à ce trafic d’influence contre espèces sonnantes et trébuchantes en interdisant ce type de rémunération à la signature. La démocratie n’est pas une marchandise.

Opinions Édito Philippe Bach Votations

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