Édito

Retour aux pratiques médiévales?

Retour aux pratiques médiévales?
Converti à l'islam, le jeune Suisse est parti en 2015 faire le djihad en Syrie. KEYSTONE
Justice 

Depuis hier, le Tribunal pénal fédéral juge les parents d’un jeune Suisse converti à l’islam parti en 2015 faire le djihad en Syrie. Capturé en 2019, il est enfermé depuis dans un camp tenu par les forces kurdes, tout comme son épouse et leur fils. Ses parents sont accusés de lui avoir envoyé de l’argent, ce qui tombe sous le coup du financement du terrorisme.

On est certes en présence d’un échec éducatif manifeste. Mais il y a aussi beaucoup à redire sur l’attitude de la Suisse dans cette affaire. Tout d’abord, comment ne pas comprendre la volonté des parents de sauver leur fils? Même maladroitement, en gardant des liens, en lui envoyant de quoi survivre sur place et, gageons-le, en espérant permettre un retour.

Quel parent abandonnerait son enfant à son triste sort, quand bien même il est coupable de graves délits? Espérons que la justice en tiendra compte. A défaut, son message consisterait à dire que face à l’importance du forfait, les proches d’un criminel sont prié·es d’abdiquer leur humanité.

En second lieu, on peut trouver inquiétante l’intransigeance des autorités suisses face à ce jeune ressortissant de notre pays. En mai, le porte-parole du DFAE (Département fédéral des affaires étrangères) expliquait froidement à la RTS que l’Etat fédéral avait tranché: «On ne veut pas que l’Etat ramène ces gens en Suisse, parce qu’ils sont un danger […]. Donc ils sont effectivement laissés à eux-mêmes dans la situation dans laquelle ils se sont mis eux-mêmes.» Avec à la clé, l’étude d’une éventuelle déchéance de la nationalité. En clair, ils sont condamnés à pourrir dans un camp, avec sans doute une mort prochaine pour seul horizon.

Une sorte d’exclusion du champ de la société qui fait penser au bannissement au Moyen Age, en miroir de l’idéologie de Daesh. L’éjection de la communauté comme punition ultime, les oreilles coupées ou le fer rouge en moins. Pourtant, la dérive mentale qui a poussé ces jeunes à se lancer dans cette criminelle fuite en avant a eu lieu en Suisse. Heureusement rare, elle n’en demeure pas moins un produit de notre société. L’intransigeance du Conseil fédéral équivaut à dire que ces jeunes sont perdu·es à tout jamais, irrécupérables. Et qu’on ne cherche pas à comprendre par quel délire ce destin criminel a pu paraître souhaitable.

Il s’agit d’une négation du rôle de guérison, de réhabilitation et de réinsertion que devrait jouer la prison. Une posture indigne des fondements de la démocratie dont la Suisse se réclame pourtant. Au-delà du cas des parents, c’est aussi une violation des fondements de l’Etat de droit qui est discutée à Bellinzone.

Opinions Édito Philippe Bach Justice  Djihadisme

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