Édito

Lorsque le criminel devient juge

Lorsque le criminel devient juge
Manifestation de soutien à Paul Watson le 2 août dernier devant l'ambassade du Danemark à Bruxelles, Belgique. KEYSTONE
Japon

L’activiste écologiste Paul Watson restera en prison au Groenland. La justice de cette région certes autonome, mais constitutive du royaume du Danemark, a décidé jeudi de maintenir en prison le fondateur de l’association Sea Shepherd (berger des mers), qui s’est illustrée par sa lutte pour le sauvetage des baleines.

L’arrestation et l’extradition de Paul Watson sont demandées par le Japon. Si les méthodes musclées du militant antispéciste sont spectaculaires – il n’a pas hésité à couper des filets, voire à couler des bateaux chassant de manière illégale les cétacés –, leur finalité se justifie. Sans ce type de militance, les baleines auraient très probablement disparu du globe.

La démarche juridique du Japon n’aurait jamais dû être suivie d’effets. Car la chasse à la baleine est illégale, proscrite depuis 1986 par le droit international. Le Japon a contourné ce moratoire en prétextant des «recherches scientifiques». Et tant pis si cette viande finit sur les étals de l’archipel nippon. Cela lui a même valu une condamnation par la Cour internationale de justice en 2014. Depuis, Tokyo a annoncé la reprise de la chasse à des fins commerciales. Un nouveau navire est sorti de cales. Celui-là même que Paul Watson entendait entraver.

Le pays méprisant le droit utilise ce dernier pour se débarrasser de celui qui lui met des bâtons dans les hélices. Cela ressemble furieusement à une vengeance et à une instrumentalisation des règles internationales. Que le Groenland se prête à cette mascarade est inquiétant. A fortiori face au caractère très léger des délits allégués: une des méthodes de Sea Shepherd consiste à balancer à l’aide de catapultes du beurre rance sur les baleiniers. L’odeur pestilentielle entrave ensuite le travail de ces chasseurs. Une telle action aurait blessé un marin. Les avocats de Paul Watson estiment avoir les preuves qu’il s’agit d’un mensonge; mais ils n’ont pas été autorisés à projeter les vidéos appuyant leur dire.

Cette affaire rappelle le cas Julian Assange. On se débarrasse d’un gêneur et lanceur d’alerte en instrumentalisant le droit, voire en tordant la réalité. Quitte à occulter la finalité de leurs action – la transparence démocratique et la révélation de crimes de guerre, pour le premier; le sauvegarde d’espèces en voie de disparition et de la biosphère, pour le second. Le but est le même: intimider au-delà des premières cibles. La bonne et vieille méthode de la loi du plus fort.

Opinions Édito Philippe Bach Japon Groenland

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