«Normal» de bien accueillir un étranger?
Lorsque des gens résidant en Europe se rendent sur le continent africain, que ce soit pour y travailler ou pour faire du tourisme, ils reviennent le plus souvent enchantés par la richesse des échanges, la gentillesse et la disponibilité des personnes avec lesquelles ils ont eu à faire. Des contacts marqués par une convivialité et une générosité dans les relations sociales qui a tendance à disparaître chez nous.
De retour dans leur pays, les Suisses et d’une manière générale les Européens ont des étoiles dans les yeux en racontant les moments humainement et professionnellement très riches partagés sur un continent qui bouge, dynamique, avec, dans tous les secteurs, des initiatives innovantes et performantes. A des années-lumière, en somme, des idées toutes faites et autres fake news qui circulent en Europe à propos de l’Afrique.
Cela n’empêche guère cependant qu’à peine de retour, les mêmes préjugés, souvent, reviennent au galop; avec, à la clé, une distance bien gardée à l’égard de personnes résidant en Suisse, originaires de pays africains dans lesquels nous avons séjourné. Oubliées la convivialité, la générosité, la pertinence des échanges, la richesse des relations «humaines trop humaines» partagées sur le continent. La méfiance est de retour. Comment le comprendre? Et comment l’expliquer, sans tomber dans la caricature?
Si, sur le continent africain, des gens se sont mis en quatre pour nous rendre service et nous faciliter la vie, pas question semble-t-il de rendre la pareille ici. Tout se passe comme si «on n’avait pas que cela à faire», surtout, qu’on ne nous demande rien, qu’on nous fiche la paix, on a déjà assez de soucis comme cela… Comme si, sur le continent africain, les gens n’avaient que cela à faire. Mais pas du tout! Les gens travaillent dur, à flux tendu, dans des conditions souvent plus compliquées que chez nous; mais ils prennent le temps, sans rien attendre en retour.
Peut-être que les Européens apprécient davantage les Africains chez eux, dans leur propre pays, qu’ici? Que chacun reste chez soi? Cela n’empêche pourtant pas les Suisses de se rendre quand et où ils veulent sur le continent, sans l’ombre d’une tracasserie administrative. L’inverse en revanche… Il serait peut-être temps de se demander pourquoi une bonne partie de l’humanité est assignée à résidence, doit traverser tant d’écueils avant de pouvoir mettre un pied en Europe, parfois, juste pour y faire du tourisme précisément. Mais ce qui est si facile pour nous, comme allant de soit, relève pour d’autres du chemin de croix, du parcours du combattant. Pourquoi?
Si en effet je décide demain, de partir en Tanzanie pour découvrir sa faune sauvage ou au Sénégal, pour profiter de ses plages paradisiaques, rien ne m’en empêchera. Si, en revanche, un ou une ressortissant·e africain·e, biberonné·e depuis son plus jeune âge aux beautés et aux performances de l’Europe, veut aller découvrir en vrai cette région qu’on lui a tant vanté, niet! Les visas se refusent à la pelle, dans toutes les ambassades occidentales, transformées en véritables bunkers, incarnant ainsi, déjà in situ, leur inatteignable pays.
Les Africains croisés dans les rues de Lausanne ou de Genève sont parfois hâtivement frappés d’une opprobre caricaturale et réductrice. On en oublierait presque qu’en Suisse comme dans le reste de l’Europe, des personnes d’origine africaine, souvent nées ici, apportent leurs compétences et leur savoir-faire dans tous les secteurs économiques. Les mêmes personnes qui peinent à échapper aux préjugés «ici» apprécient néanmoins la bienveillance des personnes «là bas». Lesquelles se comportent, rendez-vous compte, comme s’il était «normal» de bien accueillir un ou une étrangère.