Édito

Un cocktail mortel

Un cocktail mortel
Vendredi 12 juillet à Malley-Prilly, peu de temps après l'effondrement de l'échafaudage qui a coûté la vie à trois ouvriers. KEYSTONE
Chantiers 

Vendredi dernier à Prilly, l’effondrement d’un échafaudage a causé la mort de trois ouvriers. Le caractère spectaculaire de l’événement a stupéfait au-delà de la Suisse romande. De nombreux médias européens ont relayé l’information. Des accidents du travail de cette ampleur sont rarissimes en Suisse, a-t-on pu lire dans la presse helvétique.

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Rarissimes peut-être, mais dus à la seule fatalité sûrement pas. Dans nos colonnes et sous la plume de nos confrères et consœurs, les ingrédients d’un cocktail mortel sont égrenés par les syndicats comme par les faîtières patronales. Ils sont le signe d’une société de plus en plus rapide et en recherche de rentabilité immédiate. Ainsi, sur les chantiers, les délais sont de plus en plus courts, les sites de plus en plus importants; différents corps de métiers se côtoient, des travailleur·euses qualifié·es collaborent de plus en plus avec de la main-d’œuvre qui ne l’est pas.

Si les statistiques montrent qu’en Suisse, les décès dans le cadre du travail sont en baisse, il n’en reste pas moins que, selon des chiffres publiés par Le Temps, ce sont presque cinquante personnes par an qui sont décédées en moyenne ces dix dernières années dans des accidents professionnels – principalement dans des domaines manuels comme les exploitations forestières, les remontées mécaniques, les gravières, les scieries et la construction. Des données implacables: selon qu’on travaille dans un bureau ou sur un chantier, le risque de ne pas rentrer chez soi n’est pas le même. Sans surprise, les classes laborieuses paient un tribut plus lourd que les élites au travail.

Plus généralement, on assiste à «une hécatombe silencieuse», titrait Le Monde il y a à peine six mois en soulignant qu’en France, deux personnes par jour perdent la vie dans le cadre de leur activité professionnelle.

Des solutions afin de faire baisser le nombre d’accidents dans la construction sont esquissées. Le syndicat Unia préconise davantage de prévention et de formation, mais surtout des moyens de ralentir la cadence. Enfin, last but not least, la clé de voûte est à chercher dans la multiplication du nombre de contrôleur·euses indépendant·es, garant·es de la sécurité des lieux de travail. Une demande de longue date. Si le risque zéro n’existe vraisemblablement pas, tout mettre en œuvre pour réduire au maximum les accidents professionnels et les morts doit être une exigence morale, quitte à revoir les exigences de rentabilité. Impossible aujourd’hui d’ériger un bâtiment sur des cadavres.

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