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«Une ‘réponse exemplaire’, jusqu’au dernier Ukrainien?»

Alison Katz réagit à l’agora de Jacob Berger («Les étudiant·es protestent contre la complicité de nos démocraties»), parue dans notre édition du 22 mai.
Russie-Ukraine

Selon Jacob Berger, «la tentative d’invasion de l’Ukraine par la Russie a donné lieu à une réponse exemplaire de la part des pays européens». D’un point de vue socialiste et antimilitariste, il n’y a qu’une réponse exemplaire: c’est de tout faire pour éviter la mort et la mutilation des êtres humains et la destruction des pays.

La réponse exemplaire de nos gouvernements européens aurait été au minimum de prendre en considération ce que la Russie demandait et ce qui a été promis (la neutralité de l’Ukraine vis-à-vis de l’OTAN et le respect des accords de Minsk) et ce que l’Ukraine était prête à accepter (la neutralité de l’Ukraine et le respect des accords de Minsk).

En effet, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a plusieurs fois exprimé sa préférence pour une solution qui évitait les morts, que ce soit par la neutralité ou par la perte de territoire, plutôt que par la perte des vies. Kiev et Moscou ont été très proches d’un accord à plusieurs reprises: les négociations ont été stoppées par Washington et Londres1>Entre autres, Glenn Diesen, The Ukraine War and the Eurasian World Order. Clarity Press, 2024..

Une réponse exemplaire des étudiant·es et de tous les peuples d’Europe aurait été descendre dans la rue pour exiger que leurs gouvernements respectifs soutiennent Zelensky dans son élan de paix par la négociation. Car la vie des Ukrainien·nes et des Russes compte aussi. L’Ukraine est détruite, et on arrive bientôt au dernier (soldat) ukrainien. Cette guerre était parfaitement prévisible et donc parfaitement évitable. La Russie a fait ce que n’importe quelle grande puissance aurait fait dans la même situation, qu’on l’approuve ou non.

Les pays européens ont donc soutenu des régimes ukrainiens – y compris celui de Zelensky – qui, depuis 2014, ont bombardé leurs propres citoyen·nes dans le Donbass. Il s’agit d’une guerre civile qui a fait des milliers de victimes des deux côtés (au total 14 000 morts, civils et militaires, entre 2014 et 2022) et d’un pays profondément divisé, ne serait-ce que sur la question de l’appartenance à l’OTAN. Depuis février 2022, avec notre «réponse exemplaire» à l’invasion russe, via nos «exportations d’armes et aides financières considérables», nous avons contribué au carnage qui ravage l’Ukraine.

Qui a gagné? En tout cas, ni le peuple ukrainien, ni le peuple russe, ni le peuple européen. Pourtant notre seul objectif en tant que socialistes et antimilitaristes, c’est le bien-être et la sécurité des peuples (au pluriel), non pas le bien-être et la sécurité des investissements massifs en Ukraine des compagnies transnationales étasuniennes et européennes, et de leurs amis les milliardaires ukrainiens.

Notes[+]

Alison Katz est ancienne fonctionnaire internationale et militante pour la paix.

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