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«Stoppez l’escalade, arrêtez la surenchère!»

Dans une lettre ouverte au Conseil fédéral et aux Chambres, le comité du Centre pour l’action non-violente, à Lausanne, demande aux autorités suisses de «s’engager pour un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel» à Gaza.
Israël-Palestine 

«Indignez-vous!», exhortait Stéphane Hessel, dans un livre qui a connu un fort retentissement. Aujourd’hui, il ne nous est plus possible de contenir notre révolte. Nous sommes horrifiés par le massacre et par la prise d’otages que le Hamas a commis le 7 octobre dernier. Ces actes sont contraires à tout ce que nous défendons. Et nous sommes écœurés par la réaction de l’Etat d’Israël.

Stoppez l’escalade, arrêtez la surenchère! La mollesse des réactions de notre pays et des Etats démocratiques nous insupporte. Nous avions pourtant pris l’habitude – depuis la première Intifada – d’observer un décompte décuplé de victimes palestiniennes face aux vengeances israéliennes, mais un degré de punition collective tel que pratiqué actuellement à Gaza et en Cisjordanie n’est plus tolérable.

Peut-on encore considérer l’Etat d’Israël comme un «Etat de droit» quand il fait bombarder indistinctement habitations, écoles, lieux de culte et hôpitaux? Quand il détruit les bureaux d’ONG et de l’ONU, qu’il cible les journalistes, sauveteurs et ambulances, quand ses snipers visent la tête, même celle des femmes et des enfants? Quand il affame, prive d’eau et d’électricité, de réseaux de communication et de médicaments des civils qu’on a exhortés à partir? Quand ses soldats pénètrent dans un hôpital pour y achever des blessés à bout portant, ou tirent sur une foule affamée lors d’une distribution alimentaire? Ces actes sont contraires à tous les droits humains.

L’action actuelle de l’armée israélienne et des colons s’apparente chaque jour davantage à un nettoyage ethnique, contraire au droit de la guerre. Or nos gouvernements se contentent de murmurer des protestations, haussant les sourcils, alors qu’ils adoptent de sévères, et justifiées, sanctions envers la Russie vu son invasion de l’Ukraine et ses crimes de guerre. Quel bel exemple de double standard, bafouant les valeurs dont se prévalent les Etats occidentaux face aux dictatures!

Les actes du Hamas (ceux du 7 octobre 2023 tout comme les tirs de roquettes sur des villages israéliens) nient toute moralité. Ils sont abjects et condamnables en tout point. Le Hamas n’est pas un Etat de droit et ne mérite pas d’être reconnu comme tel. Mais s’abaisser à son niveau ne peut que délégitimer le gouvernement israélien. Des voix juives s’élèvent d’ailleurs de plus en plus contre cette politique contraire à toute éthique.

«Œil pour œil, et le monde deviendra aveugle», disait Gandhi. Les mots ne suffisent plus. Le gouvernement israélien, mené par un premier ministre notoirement corrompu et par un cabinet d’extrémistes, ne mérite pas de se voir adresser un langage complaisant. Il doit comprendre, par des sanctions et boycotts sévères, que les civils palestiniens sont des êtres dignes de droits et d’égards comme les autres, ni plus ni moins que les citoyens israéliens.

En déshumanisant l’autre, on se déshumanise soi-même. Nous observons depuis des années que la société israélienne s’engage dans une radicalisation rampante, encouragée par le discours haineux de ses autorités. Le racisme envers les non-juifs se répand et se banalise. Chrétiens et musulmans notamment font l’objet de crachats, d’injures, d’expropriations et de ratonnades de plus en plus fréquentes, en Cisjordanie, jusque dans la Vieille Ville de Jérusalem et dans les lieux «saints». Outrés, les habitants de ces endroits et des camps de réfugiés palestiniens grondent de colère et de rancœur, alimentant le désir des jeunes de prendre les armes et de se venger.

Depuis le 7 octobre (mais le processus avait déjà commencé depuis le non aboutissement des accords d’Oslo et de l’Initiative de Genève), la surenchère des violences ne fait qu’exacerber les extrêmes des deux bords, au détriment des voix – et des voies – qui recherchent des solutions viables. Il est temps de soutenir ces dernières, qui existent dans les deux camps, mais sont rendues inaudibles par le fracas des armes et par les souffrances. Sans ces voix, et sans notre soutien envers elles, notre humanité aura perdu une bonne partie de son âme, et sera devenue aveugle.

Nous demandons donc à nos autorités politiques de:

– s’engager pour un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel;

– exiger la libération de toutes et tous les otages;

– invoquer énergiquement les Conventions de Genève et les droits humains pour dénoncer sans équivoque leurs violations commises par les deux parties au conflit;

– proposer une conférence pour la paix, avec pour perspective une solution équilibrée, soit à deux Etats (avec partage des territoires selon les résolutions de l’ONU), soit un Etat fédéral donnant des droits égaux à chaque partie, selon le modèle fédéral suisse ou toute autre solution créative;

– renforcer les initiatives de dialogue et de paix, en leur offrant une tribune et des moyens humains, logistiques et financiers;

– prononcer des sanctions et boycotts envers les soutiens économiques, politiques et moraux aux parties violant le droit international humanitaire;

– soutenir l’UNRWA, l’OMS et toute ONG se portant au secours des populations civiles, sans préjuger du résultat des enquêtes les concernant;

– réclamer des enquêtes indépendantes, neutres et exhaustives sur tous les actes commis envers les civils lors des exactions du 7 octobre 2023 et durant les hostilités qui ont suivi;

– lutter énergiquement contre toute manifestation de haine envers les personnes juives et musulmanes.

Pour le comité du Centre pour l’action non-violente (CENAC), https://non-violence.ch/

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