Édito

Plus d’armes, moins de solidarité

Plus d’armes, moins de solidarité
Viola Amherd. Présidente de la Confédération, à la tête du Département fédéral de la défense, et Thomas Suessli, chef de l’armée, lors d’une conférence de presse le 14 février à Berne. KEYSTONE
Armes

Beaucoup plus d’argent pour les armes. Moins d’eau, d’éducation et de soins pour les populations des pays pauvres… La guerre en Ukraine a donné à la majorité bourgeoise suisse un beau prétexte à nouvelle régression sociale. Le budget 2025 de la Confédération, présenté la semaine dernière, prévoit que l’augmentation massive des dépenses militaires, de 5 à 7 milliards de francs d’ici 2030, se fasse en partie sur le dos des plus défavorisé·es dans les pays du Sud.

L’année passée, le Conseil fédéral avait pourtant annoncé une augmentation de 2,5% de la coopération internationale. Non pas dans un élan de générosité, mais pour compenser l’inclusion insolite, et illégale, de la contribution à la reconstruction de l’Ukraine au budget de l’aide destinée aux pays en développement.

Une manœuvre déjà dénoncée en 2023 par les grandes ONG suisses, dont Swissaid, Action de Carême et Terre des hommes Suisse: le soutien à l’Ukraine devrait passer par une ligne budgétaire extraordinaire et non se faire sur le dos des plus faibles. Non seulement ces dernières n’ont pas été écoutées, mais le gouvernement a décidé contre toute attente d’opérer une coupe de 1,4% dans la solidarité internationale. Si elle est confirmée par le parlement l’hiver prochain, celle-ci entraînera des conséquences désastreuses pour les projets en faveur des nécessiteux·ses.

Cette décision ne relève pas d’une adaptation à la nouvelle donne géopolitique mondiale, mais d’un véritable choix de société. L’ONU a pavé le chemin du progrès en fixant l’objectif pour les pays industrialisés de consacrer 0,7% de leur Produit national brut (PNB) à la coopération internationale. La très riche Suisse, dont la prospérité s’accroît chaque année, ne progresse plus depuis longtemps en la matière. Le montant de sa contribution a plafonné ces dernières années autour des 0,5%, avant de redescendre au dessous de 0,36%.

Pourtant son PNB s’accroît et les ultra riches se gavent comme jamais, malgré une légère inflexion en 2022 et 2023. La fortune des 300 premier ères d’entre eux et elles en Suisse, dont 150 milliardaires, a atteint 795 milliards de francs en 2023. Rien qu’en une année, en 2021, pendant la pandémie, leur capital a grossi de 115 milliards! En comparaison, en 2022, l’aide publique au développement suisse atteignait moins de 4,3 milliards de francs (dont une partie consacrée à la promotion des entreprises suisses à l’étranger et aux coûts de l’asile en Suisse).

Par la fiscalité, la Confédération dispose d’un levier important de redistribution. C’est un choix politique de l’actionner ou non à l’heure où la pauvreté et les inégalités s’accroissent. De même qu’il est une décision consciente de ne pas mettre le holà à l’incurie des militaires lorsqu’ils présentent, début février, un trou financier de plus d’un milliard de francs, mais de leur octroyer aveuglément une rallonge de plusieurs milliards…

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