Agora

L’Ocean Viking immobilisé en Italie sur la base de «déclarations mensongères»

La semaine dernière, le bateau humanitaire Ocean Viking de SOS Méditerranée a reçu un ordre de détention administrative de vingt jours de la part des autorités italiennes, en vertu du décret «Piantedosi» qui oblige les navires humanitaires à regagner leur port de débarquement après chaque sauvetage. Il est reproché au bateau de ne pas avoir suivi les ordres des patrouilleurs libyens exigeant qu’il quitte la zone lors d’un sauvetage en eaux internationales. L’ONG dénonce des «déclarations mensongères». Il s’agit de la troisième immobilisation en trois mois.
Migrants

Le 6 février, en moins de douze heures, l’Ocean Viking était témoin de violations répétées et graves des conventions maritimes et des droits humains par des navires de patrouille libyens. Au moins trois interceptions et retours forcés vers la Libye ont été observés et deux navires libyens ont effectué des manœuvres agressives tout au long de la journée, à proximité de l’Ocean Viking et d’embarcations en détresse.

Dès l’arrivée de l’Ocean Viking dans le port [italien] de Brindisi, le 9 février au matin, les autorités italiennes nous ont présenté une déclaration de détention de vingt jours et une amende de 3333 euros. Une décision uniquement basée sur les déclarations mensongères des navires libyens. L’équipage de SOS Méditerranée n’a pas eu la possibilité d’expliquer ce qui s’était réellement passé.

SOS Méditerranée dispose de très nombreuses preuves liées au déroulement des événements du 6 février, des interceptions par les navires libyens, de leurs manœuvres erratiques, agressives et dangereuses et des sauvetages effectués par notre équipe. Les quatre embarcations secourues par l’Ocean Viking n’étaient pas en état de naviguer. Elles étaient surchargées, exposées aux éléments, aucun des naufragés n’avait de gilet de sauvetage, en présence de facteurs aggravants de tension et de danger au cours de chaque opération.

La première embarcation en détresse, avec 110 personnes à bord, était sur le point de se disloquer. Du carburant se répandait sur tout le pont de la seconde, intoxiquant les rescapés – une personne a été retrouvée inconsciente. La troisième prenait l’eau et gîtait gravement. Enfin, la dernière était en situation de panique en raison de la présence des patrouilleurs libyens. Les naufragés à son bord demandaient désespérément à être secourus et leur embarcation s’approchait dangereusement de notre navire, au risque de chavirer à tout moment.

Après le premier sauvetage, les autorités italiennes ont demandé à l’Ocean Viking d’évaluer la situation des autres embarcations en détresse. Les trois autres sauvetages ont été effectués en toute transparence, en coordination avec les autorités italiennes et les navires libyens présents sur les lieux, qui avaient donné leur feu vert.

Pourtant, alors que l’Ocean Viking s’apprêtait à porter assistance à la quatrième embarcation, les bateaux libyens ont changé d’avis, nous demandant de quitter les lieux. Connaissant le comportement imprévisible et dangereux des patrouilleurs libyens – qui ont déjà fait feu vers l’Ocean Viking et sur des bateaux en détresse à plusieurs reprises l’année dernière – et craignant un nouvel incident de sécurité, notre navire a suivi les instructions et s’apprêtait à quitter la zone. La panique a alors éclaté sur l’embarcation en détresse. Les personnes ont commencé à risquer leur vie pour atteindre l’Ocean Viking et l’empêcher de partir. Le pilote de l’embarcation a menacé les naufragés, leur demandant de sauter par-dessus bord pour être secourus. Comme la situation se détériorait, l’Ocean Viking a dû mettre ses canots de sauvetage rapides à l’eau pour leur porter secours.

«Devoir justifier le simple fait de sauver des vies en mer n’a aucun sens, ni moral ni juridique. L’Ocean Viking a secouru 261 vies en danger de mort imminente. Les patrouilleurs libyens ramènent les naufragés de force en Libye, ce qui est contraire à l’obligation légale de les débarquer dans un lieu sûr. Non seulement ils sèment le chaos sur la route maritime la plus meurtrière au monde, mais ils sont écoutés et soutenus par les institutions européennes, alors que ceux qui respectent le devoir de sauvetage en mer sont détenus», explique Soazic Dupuy, directrice des opérations de SOS Méditerranée.

SOS Méditerranée appelle l’Union européenne à cesser de toute urgence la criminalisation des organisations civiles de recherche et de sauvetage, à cesser de financer les garde-côtes libyens et à réorienter les fonds publics vers des services de recherche et de sauvetage efficaces et rationnels.

* https://sosmediterranee.ch

Opinions Agora SOS Méditerranée Migrants

Connexion