Chroniques

A quand un sommet Afrique-Afrique?

EST-CE BIEN RAISONNABLE?

Les «sommets-Afrique» se suivent et se ressemblent, avec chaque fois de nombreux chefs d’Etat africains qui font le déplacement à Moscou, Pékin, Istanbul, Berlin, Tokyo. A la clé, accolades entre «amis», promesses d’«aides» en veux-tu en voilà – généralement guère tenues – et contrats commerciaux juteux pour le pays hôte.

Récemment, c’est l’Italie qui s’y est mise, en invitant à Rome les 28 et 29 janvier dernier quelques dizaines de dirigeants africains pour leur présenter son «plan pour l’Afrique» – baptisé du nom d’Enrico Mattei, le fondateur de la puissante compagnie pétrolière nationale Eni (Ente nazionale idrocarburi), très présente en Afrique dans les secteurs du pétrole et du gaz! En filigrane, l’ambition de contribuer à créer des emplois sur le continent africain et ainsi freiner la migration irrégulière qui déferle sur l’Italie via Lampedusa.

Fait piquant: le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a réagi au discours inaugural de Giorgia Meloni en affirmant que «nous aurions souhaité être consultés sur le Plan Mattei que vous proposez»… Fermez le ban! Les 23 et 24 avril prochain, ce sera à l’Angleterre de jouer sa partition, en organisant à Londres la deuxième édition du sommet Royaume-Uni-Afrique. Il ne s’agit là que des derniers avatars d’une ribambelle de sommets-Afrique organisés en Europe, en Asie, en Amérique, et même dans la péninsule arabique où un sommet Arabie saoudite-Afrique programmé à Ryad en novembre dernier a connu un beau succès.

Reste que les pionniers du genre, les sommets France-Afrique (créés en 1973 par Georges Pompidou), ont du plomb dans l’aile depuis celui de Montpellier où, en octobre 2021, Emmanuel Macron avait convoqué des jeunes représentant cette «Afrique qui bouge», à laquelle il voulait s’adresser, en priant les présidents de rester en leurs palais. Ceux-ci le prirent très mal; même si Macron fit ensuite amende honorable, la France continue à perdre du terrain.

Un terrain que la Turquie, les Etats-Unis, le Japon, la Russie, la Chine, la Corée, les pays européens n’ont de cesse de (re)conquérir à coups de sommets où accourent, comme au temps de la guerre froide, des présidents et responsables politiques soucieux de faire monter les enchères. Et d’engranger des «aides» et des investissements dont les populations ne bénéficient pas forcément, si l’on songe à la prédation sans limites qui règne au plus haut de la plupart des Etats africains.

Cette avalanche de sommets-Afrique a inspiré au journaliste-écrivain Venance Konan une chronique publiée il y a quelques jours dans le quotidien ivoirien Fraternité Matin: «Comme nous savons que nous avons des richesses que tout le monde convoite, il serait peut-être temps que nous, Africains, organisions notre propre sommet Afrique-Afrique, pour voir ensemble ce que nous pourrions faire ensemble, pour avancer ensemble», conclut-il. Une question qui mérite d’être posée. Certes, l’Union africaine existe, mais ses réunions semblent moins prisées par les chefs d’Etat du continent que les sommets-Afrique aux quatre coins de la planète.

Plutôt que faire le tour du monde pour aller quémander des «aides» – qui ne sont le plus souvent que des prêts ou des accords commerciaux déguisés avec des pays situés hors de l’Afrique, soucieux de défendre leurs intérêts et de créer des opportunités d’affaires pour leurs entreprises –, pourquoi en effet les responsables africains ne songeraient-ils pas davantage à resserrer leurs liens économiques, à importer et à exporter dans les pays de leur région, à valoriser leurs produits et satisfaire les besoins de leurs propres populations avant de songer aux besoins du reste du monde?

Catherine Morand est journaliste

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lundi 8 janvier 2018

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