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Terrorisme médiatique

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Où que nous soyons, des machines prétendent nous tenir au courant de l’état du monde, depuis le plus proche, qui nous entoure, jusqu’à des antipodes inconnus ou des astres extragalactiques, si lointains qu’ils n’existent déjà plus quand on les perçoit. Certain·es sortent leur smartphone pour savoir s’il fait beau, plutôt que de regarder dehors! Et puis l’actualité ne nous arrive que sélectionnée, ciblée vers notre profil de consommateurice manipulé·e. Quand ce n’est pas de citoyen·ne formaté·e par un grand destin totalitaire ou un prétendu «consensus» médiatico-politique imposé par des multinationales cupides.

Il fut un temps où j’étais tombé sur un journal australien et avais découvert, avec bonheur, qu’à part deux brèves en dernière page, rien de son contenu ne parlait de tout ce dont nous soûlaient, à l’époque, les journaux européens. Depuis, la mondialisation a concentré et uniformisé la sélection de l’information diffusée partout. On a plus de chance de trouver une information exotique dans une gazette fribourgeoise que dans la presse nationale des antipodes, sauf peut-être de Corée du Nord! Et encore, on y parle sûrement d’Ukraine, mais pas forcément de la même façon…

Si encore l’actualité assénée pouvait nous aider à prendre la vie du bon côté… Mais non! Entre les guerres, les catastrophes de tous ordres et les hurlements du sport, les bonnes nouvelles peinent à se frayer un chemin. Pourtant, il doit bien y en avoir, des bonnes nouvelles? Mais elles ne percent que si elles peuvent, comme le reste, servir de support à de la publicité. Là où il y a de l’argent, l’info peut apparaître… si elle a un impact émotionnel qui fait vendre. Et c’est là que l’on peut se demander pourquoi les mauvaises nouvelles masquent les bonnes. Dans la terrible compétition des médias, l’objectif premier est de capter l’attention, le second de la conserver. Or une peur ou, mieux, une terreur bien ciblée l’emporte, en marquage émotif, sur une banale bonne nouvelle. Comme le seul but du diffuseur est d’attirer l’attention sur les publicités avant-après, ou sur les informations clignotantes de la page internet, la peur marche mieux que la joie.

Les marchands d’attention captive n’ont que faire des effets négatifs de leurs flots d’information sur le moral et la santé psychique de leurs victimes. Les gens stressés, avec un peu de chance, seront peut-être même plus manipulables, commercialement parlant. Cette organisation a pour conséquence la perturbation de la vie privée des auditeurices-lecteurices qui, en famille ou au bistrot, ne parlent plus que de l’actualité déprimante imposée. Pour échapper aux bombardements et assassinats en boucle, beaucoup se réfugient dans les non-événements de la jungle publicitaire du sport et ses récompenses virtuelles. Tandis qu’une minorité retrouve une liberté provisoire… en fermant les appareils agresseurs.

Nous n’avons pas encore appris à bien gérer le terrorisme médiatique que la combinaison du machiavélisme capitaliste et du progrès technique a engendré. Il est clair que la liste des droits humains devrait être révisée et comprendre des articles protecteurs que les législateurs d’autrefois ne pouvaient pas concevoir. Cela commencerait par le droit de ne pas recevoir des informations non sollicitées, commerciales, politiques ou autres, par quelque voie de communication que ce soit.

Vous me direz qu’il suffit de s’isoler à la campagne et de mener une vie d’ermite pour échapper à tout cela… Mais la plupart d’entre nous ne résistent pas car ils ou elles trouvent trop de plaisir à vivre ensemble, échanger et demander des nouvelles de n’importe quoi, fût-ce d’Ukraine ou de Palestine. Ça change des banalités sur le temps qu’il fait… Et puis, quand nous savons, nous n’échappons pas à l’empathie pour les victimes innocentes et à l’indignation. Eprouver de l’empathie rassure, tandis que l’indignation pousse à l’action, au moins verbale…

Reste une question: Est-il encore éthique de s’isoler pour être heureux un moment, à l’abri de la violence du monde?

* Chroniqueur énervant.

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lundi 8 janvier 2018

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