Les forces de l’argent
Nous sortons des élections fédérales. Comme à l’accoutumée, les glissements de sièges sont à peine perceptibles. Gagnante, l’UDC n’a pas récupéré les 65 sièges qu’elle avait il y a quatre ans. Les lobbys vont continuer à diriger notre pays et une petite moitié du peuple fera semblant de croire encore à notre exceptionnelle démocratie directe. Sont restés chez eux 60% des citoyens et citoyennes.
Une récente lecture m’a rappelé ce qu’il s’était passé en France, lorsqu’un socialiste est arrivé à la présidence de la république en 1981 après avoir utilisé le slogan: «Nous allons changer la vie». Si la vie n’a pas vraiment changé, il y a eu une série formidable de réformes très populaires: augmentation du SMIC de 10%, du traitement des fonctionnaires de 3.4%, du minimum vieillesse de 20%, des allocations familiales de 25%. La durée du travail a été réduite d’une heure à trente-neuf heures. Une cinquième semaine de congés payés a été obtenue ainsi que la création d’un impôt sur la fortune. Le remboursement de l’IVG et la retraite à 60 ans ont suivi. La première Fête de la musique et les Journées du patrimoine ont été instaurées ainsi qu’un prix unique sur les livres. Une opération de régulation des étrangers a été mise en place. L’abolition de la peine de mort, la fin du monopole de l’ORTF avec la naissance des radios libres, etc.
Au bout de trois ans, il a fallu serrer la vis et la majorité de l’Assemblée est repassée à droite. Tous les monopoles bancaires et industriels nationalisés ont été à nouveau privatisés. L’expérience suivante, avec un président socialiste, a conduit à l’effondrement de ce parti porteur de tant d’espérance. Nos démocraties sont bien fragiles à côté des forces de l’argent qui elles ont une solidité à toute épreuve. Elles savent contrôler la presse et flatter l’égoïsme des citoyens.
Pierre Aguet, Vevey