La neutralité en péril
Après sa décision concernant la guerre en Ukraine, le Conseil fédéral remet à nouveau en cause la politique des bons offices de la Suisse et affaiblit notre crédibilité d’Etat neutre, puisqu’elle devient à géométrie variable!
En effet, il est indéniable que le Hamas a commis un atroce crime de guerre et mérite une très ferme condamnation au nom des conventions de Genève. Mais, pour être crédible, il est impératif que la Suisse en fasse de même avec l’Etat d’Israël pour les plus de 551 enfants et milliers de palestinien·nes tués·es ces neuf dernières années et surtout les milliers d’autres qui ont suivi et vont suivre ces prochaines semaines à cause des bombardements sur la population civile gazaouïe (blocus et pilonnages strictement interdits par ces mêmes convention de Genève, car représentant des mesures de représailles visant des civils ou leurs biens et des punitions collectives…).
Or, si notre Conseil fédéral entre dans le jeu politique de l’exclusion des parties (ici le Hamas), qu’il expulse alors immédiatement de Genève les ambassades des Etats-Unis et du Royaume-Uni pour leurs crimes en Irak et en Afghanistan, l’Arabie saoudite pour le découpage d’un opposant, la Russie pour sa guerre en Ukraine, la Chine pour le traitement des Ouïgours, la France pour son intervention en Libye, l’Egypte pour sa dictature, etc.
De plus, l’économie genevoise est aussi en jeu, puisqu’environ 35 000 personnes sont employées par les organisations internationales, les ONG et les missions permanentes qui font que ce canton représente un centre de la gouvernance mondiale et une plaque tournante opérationnelle de la diplomatie multilatérale. En effet, au vu de sa taille, le seul crédit que la Suisse possède réside dans sa capacité à réunir les représentants de toutes les parties prenantes au conflit sans distinction.
Finalement, il ne faut pas oublier que notre neutralité est une arme de paix, élaborée patiemment et tant respectée au niveau des instances diplomatiques internationales. Essentielle pour sauver des vies!
Séverin Brocher, Genève