Médias: La fausse piste de l’IA
Qualité des médias: l’annuaire 2023 1> Jahrbuch Qualität der Medien, Forschungszentrum Öffentlichkeit und Gesellschaft, 30 octobre 2023. Téléchargeable sur www.foeg.uzh.ch publié par le FÖG (le Centre de recherche sur l’opinion publique et la société, de l’université de Zurich) a été dévoilé hier. Avec un accent mis cette année sur l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) pour générer du contenu journalistique.
En l’occurrence, le constat est préoccupant. Selon cette recherche, les médias d’information touchent de moins en moins de personnes. Les jeunes adultes (moins de 25 ans) ne consomment que sept minutes d’actualité par jour sur le smartphone. «Le journalisme d’information perd en portée sociétale», relèvent les auteur·ices de l’étude. Qui identifient une catégorie qualifiée «d’indigent·es» en matière d’information, de personnes sous-informées. Une part qui augmente de manière constante et qui atteint 38% de la population!
Pourquoi est-ce un problème? En termes démocratiques, les personnes regroupées dans cette catégorie ont tendance à se couper des débats politiques et des votations, si importantes en Suisse. La participation électorale est de 70% chez les personnes fortement usagères des offres médiatiques traditionnelles (journaux, radios ou télévisions); elle chute à 30% chez les «indigents» médiatiques qui se rabattent, au mieux, sur des contenus ludiques.
Et les récentes annonces du géant TX Group ne sont pas là pour rassurer. L’éditeur, qui pèse quelque 47% du marché en Suisse romande (contre 35% pour la RTS), a annoncé des coupes claires dans les effectifs. Avec un objectif d’une réduction de 10% de la masse salariale pour les médias payants et un quart des postes biffés en Suisse romande dans les rédactions de 20 minutes 2> Une manifestation est annoncée à Lausanne ce matin à 11h30 devant la tour d’Edipresse. .
Il faudra faire plus avec moins, promet la direction du groupe. Mais miser sur les gains de productivité, les économies d’échelles et les synergies équivaut à scier la branche sur laquelle elle est assise. Car l’étude du FÖG montre que moins d’un tiers des personnes questionnées sont disposées à lire des actualités générées par de l’intelligence artificielle, un des nouveaux mantras brandis par les obsédés de la rentabilité boursière. Et seules 10% d’entres elles se montrent disposées à payer pour de tels contenus.
Au-delà de la crise de l’industrie des médias, c’est aussi notre système politique qui se retrouve ébranlé. Une réalité encore mal comprise par le monde politique qui verse des larmes de crocodiles à chaque disparition de média mais qui peine à s’affranchir des dogmes néolibéraux et à faire de l’information un bien commun qui doit être soutenu de manière directe. Preuve en est: les dépenses publicitaires des partis pour la campagne électorale fédérale ont largement déserté les journaux au profit des géants étasuniens du web.
Notes