Argentine, droite dure sonnée mais pas K.-O.
La baudruche s’est partiellement dégonflée. Pronostiqué largement en tête du premier tour de l’élection présidentielle argentine, le candidat «antisystème» Javier Milei est finalement arrivé deuxième, dimanche, avec quelque 30% des voix. Le 19 novembre, il affrontera le péroniste centriste Sergio Massa (36,7%), ministre de l’Economie sortant, pour un second tour très incertain.
Ultralibéral tendance libertarienne, négationniste climatique, Milei aime la liberté de choix lorsqu’elle concerne le port d’armes ou l’usage des drogues, pas quand il s’agit du droit à l’avortement. Il a séduit en promettant d’enrayer le fléau de l’inflation par une dollarisation du pays, quand bien même l’arrimage du peso à la devise étasunienne, en 1992, avait provoqué la gigantesque crise de 2001.
Pour combattre la violence endémique ou le narcotrafic, il s’est posé en candidat de la mano dura policière, avec clins d’œil appuyés aux nostalgiques des militaires. Sans beaucoup d’autres réseaux que ceux des Zuckerberg ou Musk, Javier Milei a mené campagne en ligne, court-circuitant le clientélisme de certains adversaires dans les quartiers populaires, où l’on booste volontiers son taux d’adhésion à coup de choripan, le hot-dog national.
Dimanche, malgré la pauvreté montée en flèche et l’inflation (138% cette année), une majorité de votant·es aura opté pour ce qu’elle connaît déjà; même si Sergio Massa a tout fait pour se démarquer du président sortant, Alberto Fernández, et de l’ex-cheffe d’Etat Cristina Kirchner, deux figures invisibles durant la campagne. Une prise de distance qui passe aussi par un programme moins progressiste que celui du kirchnérisme.
Proche du quorum au Sénat, le péronisme est minoritaire à la Chambre basse. Sergio Massa appelle donc à une «coalition d’union nationale» pour l’emporter le 19 novembre puis gouverner, dans laquelle il rêverait d’inclure l’Union civique radicale actuellement alliée à Patricia Bullrich, arrivée troisième avec 23,8% des voix.
Ministre de la Sécurité de l’ancien président Mauricio Macri (2015-2019), elle aussi partisane d’une police toute-puissante et du libéralisme pur et dur, Bullrich déteste Massa autant que Milei. Dimanche soir, en concédant sa défaite, elle n’en a pas moins concentré ses violentes diatribes contre le péronisme, laissant de facto la porte ouverte à des négociations avec Milei. A tout juste 40 ans cette année, la démocratie argentine a rarement semblé aussi pâle.