Sexe de Dieu!
Jeudi 5 octobre, une obligation m’a fait rater un événement coorganisé par l’Eglise protestante de Genève (EPG) et la Faculté de théologie protestante de l’Université. A l’auditorium Barbier-Müller de l’EPG (et donc sous la double référence de l’Immobilier et des divinités improbables de l’Afrique), un colloque d’une journée questionnait: «Quel langage pour dire Dieu?»; un sous-titre précisait: «Genre, parole et christianisme». Il s’agissait donc d’une avancée féministe radicale, confirmée par l’intitulé de la première conférence: «Dieu notre Père ou notre Mère…». On peut quand même s’étonner que leur Seigneur ait été réduit, d’emblée, à une affiliation sexuelle binaire, excluant aussi bien les LGBTQX, etc. de la culture que l’hermaphrodisme de la nature. Un Dieu hermaphrodite résoudrait pourtant simplement le problème, même s’iel compliquerait la grammaire et l’orthographe!
A condition, bien sûr, que ce soit un hermaphrodite simultané, comme les vers de terre, les escargots ou les platanes, et non un hermaphrodite successif comme les crevettes, d’abord petites mâles puis grosses femelles, ou les mérous, d’abord petits femelles puis gros mâles. Chez les hermaphrodites successifs, en effet, l’existence de deux sexes instaure des rapports de pouvoir: les gros mérous ou les grosses crevettes peuvent flanquer des peignées à ciels dont iels furent les semblables dans leur jeunesse! Tandis que, chez les hermaphrodites simultanés, il n’y a qu’un seul type d’individus, doté à la fois des deux sexes, dans le temps comme dans l’espace. Pour Dieu, ce serait donc mieux de la jouer escargot ou platane que crevette ou mérou!
Du côté de l’Université, partenaire de l’événement mais qui n’a pas envoyé, semble-t-il, de biologiste pertinent·e pour clarifier le débat, les choses semblent progresser. Après les nominations de plusieurs doyennes dans diverses facultés, il ne reste que deux candidates au poste de recteur de l’Université. Si la procédure n’est pas remise en cause, comme la précédente, par une incursion politique désopilante, elle devrait donc conduire à la nomination, pour la première fois, d’une rectrice de l’uni.
Il faut maintenant se demander si ces nominations par le haut sont suffisantes pour résoudre les problèmes aux autres niveaux de l’institution. Avoir le pouvoir est une chose, ce que l’on en fait en est une autre. La politique nous fournit les pires exemples, entre la sélection de Margaret Thatcher par son machisme transgenre et Indira Gandhi, dont les opposants, arrivés au pouvoir, ont plus que balayé les restes de l’œuvre. Une lettre de lectrice à la Tribune de Genève1>«Testostérone et monde académique», www.tdg.ch/lettre-du-jour-testosterone-et-monde-academique-398969342525 conte la difficulté de faire normalement son travail au milieu d’une faculté de supporters de foot et face aux très rares femmes qui ont réussi à régater parmi eux.
Car l’inégalité des humain·es n’est pas qu’un problème de quotas de sexes, de genres, d’origines géographiques et sociales, ou bien de nominations aux postes-clés. C’est avant tout un problème de mentalités, de comportements au quotidien et de partage des pouvoirs à tous les niveaux. Des choses que l’on ne change pas, du jour au lendemain, par une poignée de nominations. Il s’agit de rééducations profondes du quotidien de tout le corps social, à poursuivre dans le long terme, parfois pendant des générations quand on part de situations désespérantes. Ayatollahs, cardinaux et autres talibans ne sont pas plus prêts à discuter du statut des femmes que de l’hermaphrodisme des dieux…
Alors, dans notre petit monde genevois et universitaire, il nous reste à nous consoler, en nous réjouissant de pouvoir discuter librement du sexe de Dieu, et à aider les nouvelles doyennes et rectrice à promouvoir une volonté communautaire forte de faire progresser l’ensemble de l’université vers beaucoup plus d’égalité et de respect…
Notes
* Chroniqueur énervant.