Édito

Atteintes à la démocratie

Atteintes à la démocratie
Il y a un abîme entre le discours new age d’un Emmanuel Macron et la réalité de son action qui dérape et sort du cadre démocratique plus souvent qu’à son tour. KEYSTONE
France

La journaliste française Ariane Lavrilleux a été arrêtée mardi et emprisonnée durant près de deux jours… pour avoir fait son métier. Elle est à l’origine, en novembre 2021, de révélations explosives sur la complicité de l’Etat français dans des exécutions arbitraires par l’Egypte, publiées sur le site d’enquêtes Disclose. Les renseignements fournis par la France devaient servir à traquer des djihadistes, ils ont permis l’exécution de simples contrebandiers.

Une information assurément d’intérêt public. Las, le Ministère des armées – on ne touche pas à la grande muette – avait porté plainte. D’où l’embastillement de mardi et la perquisition du domicile de la journaliste. Cette dernière a été relâchée mercredi. Mais le message distillé par l’autorité française est clair: mêlez-vous de ce qui vous regarde ou attendez-vous à subir les foudres de la loi.

Une mesure d’intimidation, donc, visant à faire cracher à l’intéressée l’origine de ses informations.

En l’occurrence, la protection de ses sources est un principe sacro-saint de la profession, gravé dans le marbre des différentes chartes éthiques qui résument les principe déontologiques du travail des journalistes. Il a fallu batailler pour que ce principe – qui n’est évidemment pas absolu – soit reconnu par les législations nationales.

Voir les autorités française fouler allègrement au pied ce fondement de l’Etat de droit ne laisse pas d’inquiéter. Cela montre l’abîme qui existe entre le discours new age d’un Emmanuel Macron et la réalité de son action qui dérape et sort du cadre démocratique plus souvent qu’à son tour. On l’avait vu avec les gilets jaunes, réprimés de manière brutale, le matraquage et l’éborgnage des manifestant·es contre la réduction du système des retraites et le passage en force pour imposer ce démantèlement.

Au-delà du caractère choquant de cette attaque contre la liberté d’informer, c’est bien à un rétrécissement de la démocratie auquel nous assistons. En France d’une part – avec cette affaire qui en est une nouvelle illustration – mais en Suisse aussi. Avec des méthodes plus feutrées que les gros sabots français, comme les procès bâillons ou le simple durcissement du Code civil, décrété en 2022, qui rend plus aisé le blocage d’un article avant sa publication, et voté allègrement par une droite qui se dit libérale mais qui oublie l’origine du mot.

La transparence est pourtant une condition du bon fonctionnement de la démocratie. On voit que la météo n’est pas au beau fixe: là où on serait en droit d’avoir une extension du droit de savoir, on assiste à un rétrécissement de ce principe. Il convient de s’en alerter. Cela menace tout le monde, pas seulement les journalistes.

Opinions Édito Philippe Bach France

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