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Accompagner l’installation

Carnets paysans

Laurent Wauquiez, le très droitier président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, poursuit sa politique de démantèlement des réseaux associatifs écologiques. Or, dans la hiérarchie administrative française, les régions distribuent un nombre important de subventions issues soit du budget de l’Etat, soit de celui de l’Union européenne. On se souvient qu’en 2015, pour fêter son entrée en fonction, Wauquiez avait diminué les subventions de la FRAPNA, une association environnementaliste bien implantée en France, et transféré les montants ainsi dégagés aux associations de chasseurs. Le président de région s’attaque désormais à l’Association régionale pour le développement de l’emploi agricole et rural (ARDEAR).

Cette structure, proche du syndicat minoritaire la Confédération paysanne, développe une vaste gamme de formations techniques destinées aux paysannes et paysans. Elle offre notamment une base de fonctionnement à différents réseaux d’échanges de semences de céréales ou de plantes maraîchères en insistant sur des objectifs comme la conservation décentralisée des semences (sur les fermes plutôt qu’en conservatoire) et l’autogestion des réseaux par les paysannes et paysans. Ce qui déplaît particulièrement à Laurent Wauquiez, c’est l’activité déployée par l’ARDEAR dans le secteur de l’installation agricole, c’est-à-dire dans l’accompagnement à la création de nouvelles fermes ou à la reprise de structures existantes.

Le réseau d’aide à l’installation de l’ARDEAR emploie plus de vingt personnes et accompagne actuellement 800 projets. L’installation agricole est un véritable parcours du combattant, en particulier lorsqu’elle a lieu hors du cadre familial, c’est-à-dire en dehors d’une transmission de ferme entre parents et enfants. Les terrains et les baux ruraux sont rares en raison de la diminution de la surface agricole globale, mais c’est surtout la nécessité d’agrandir les structures qui fait que les fermes sont absorbées par l’extension des exploitations voisines, au lieu d’être reprises. En outre, la mécanisation rend difficile la reprise de fermes en raison de la valeur très élevée du matériel, que les repreneurs ou les repreneuses peuvent souvent difficilement assumer. Face à cela, la faiblesse des rentes servies par la caisse de retraite des agricultrices et des agriculteurs ne laisse d’autre choix que celui d’une valorisation maximale du matériel et des bâtiments pour assurer une retraite digne.

Dans ce contexte, on comprend qu’il ne suffit pas de se promener à la campagne pour trouver un endroit où commencer une activité de production… Tout concourt à favoriser la reprise familiale – qui n’est pas nécessairement une mauvaise option lorsqu’elle est souhaitée – et surtout l’abandon de l’activité pour favoriser l’agrandissement des voisins. Pour contrer cette tendance, l’ARDEAR met à disposition des candidat·es à l’installation des compétences économiques (préparer un plan financier), juridiques (droit des baux ruraux, droits des subventions agricoles) et humaines (définition du projet, rencontres avec des paysan·nes installé·es).

Pour l’administration Wauquiez, ces fonctions sont déjà remplies par les Chambres d’agriculture et il n’y a pas lieu de faire doublon avec ces administrations départementales. A quoi l’ARDEAR répond que le modèle économique promu par les Chambres (qui est peu ou prou celui de l’installation dans le cadre familial) ne convient pas dans tous les cas. Pour l’ARDEAR, si l’on veut limiter l’agrandissement des fermes, il faut donner leur chance à des projets dont la réussite n’est pas évidente, ce qui demande un accompagnement plus long et plus attentif. Des objectifs et des moyens que ne se donnent pas les Chambres d’agriculture.

Dans un communiqué du mois de juin relayé par le média Reporterre, l’ARDEAR, avec d’autres associations attaquées et après avoir épuisé toutes les voies de dialogue et de recours possibles, annonçait une riposte pour la rentrée. On suivra le dossier avec attention.

Frédéric Deshusses, observateur du monde agricole.

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mercredi 9 octobre 2019

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